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 Première partieMMMMM

        MEMOIRES DE SALAH OUZROUROU                         

          (Officier de l’ALN et Officier de l’ANP à la retraite)

         

                       JE ME SOUVIENS       

 

                         Deuxième partie             

 

                    

 

                                        CHAPITRE I : PERIODE TRANSITOIRE

 

 

1)  LE JOUR DE LA VICTOIRE :

     (cessez-le-feu du 19 mars 1962)

          

            Une période dite transitoire, prévue par les Accords d’Evian, s’étalait du 19 mars 1962, date de la proclamation officielle du cessez-le-feu, au 3 juillet 1962, date de la proclamation officielle des résultats du référendum, au cours duquel 99% les Algériens s’étaient prononcés pour l’indépendance. De mon point de vue, ce référendum était voulu par le gouvernement français pour prouver à son peuple ainsi qu’à ses alliés qui l’avaient aidé militairement, que l’Algérie avait recouvré son indépendance grâce à la consultation du peuple. Car une superpuissance comme la France, aidée de surcroît par les forces alliées de l’OTAN, ne pouvait pas se déclarer vaincue par un peuple désarmé et asservi durant 132 ans.

            Pour gérer cette période, il fut désigné un exécutif provisoire, composé de trois personnalités neutres du côté algérien, trois autres personnalités neutres du côté français, cinq membres du FLN ; cet exécutif était présidé par Abderahmane Farès et installé à Rocher Noir (aujourd’hui Boumerdès) au mois d’avril 1962, avec pour mission essentielle d’assurer la continuité de l’administration, le maintien de l’ordre et la préparation matérielle du référendum.
Cette institution ayant, entre autres missions, le maintien de l’ordre, elle disposait d’une entité militaire appelée «force locale» composée de goumiers et d’éléments du contingent Français et Algériens, appelés sous les drapeaux français. Elle devait exercer ses missions en relation avec ce qui restait de la police locale et l’appui de l’armée française. En réalité, l’ordre n’était pas maintenu, notamment dans les villes. L’OAS continuait de frapper. Cette organisation terroriste constituée de pieds-noirs et de déserteurs de l’armée française appliquait la politique de la terre brûlée. Elle assassinait des personnalités et détruisait immeubles, magasins, café et édifices publics au moyen de bombes (au plastic) à retardement. Même les places publiques n’étaient pas épargnées.
Toutes ces actions destructrices se passaient sous l’œil bienveillant d’une partie de l’armée française.

         La communauté européenne s’affolait et prenait ses valises pour se rapatrier outre-mer, en abandonnant tous ses biens. Ces biens composés des meilleures terres agricoles, des unités industrielles, des commerces et autres biens immobiliers, constituaient le socle de l’économie du pays. Leur abondant dument constaté, ils ont été déclarés biens vacants par les autorités algériennes. Par ailleurs, les fonctionnaires de l’administration et des établissements publics, dont la majorité des effectifs étaient d’origine Européenne, fuyaient eux aussi leur postes pour se rendre en France Métropolitaine (terme qu’ils aimaient employer). A l’entreprise de destruction des biens par l’OAS s’ajoutait le vide laissé dans l’administration.

 

            Dans le pays, il ne restait que ruine et désolation. C’était la paralysie totale. Devant tous ces faits abominables, l’exécutif provisoire avait affiché son impuissance. Des opportunistes avaient profité de cette situation d’anarchie pour s’accaparer de biens abandonnés par les Européens. Certains d’entre eux avaient passés des contrats notariés pour légaliser l’acquisition et ce, au mépris des directives données par l’ALN/FLN interdisant toute transaction. Le prix payé à l’Européen était dérisoire par rapport à sa valeur réelle. Etant résolus à partir, ils bradaient leurs biens à n’importe quel prix.

             Dans le même temps, des divergences au sommet entre le FLN/ALN et le GPRA étaient visibles. Les Accords d’Evian ont rencontré beaucoup de difficultés dans leur application tant du côté ami que du côté ennemi. En ce qui concerne les aspects purement militaires, il était stipulé que ces derniers, de quelque camp qu’ils soient, devaient se fixer là ou ils se trouvaient à la date du cessez-le-feu soit au 18 mars 1962 à minuit. Il nous a été signalé, çà et là, quelques bavures de moindre importance, tant du côté de l’armée française que du notre. On a enregistré également quelques dérapages dans des villages qui s’étaient soldés par le lynchage de harkis accusés par les parents de victimes, d’être les assassins de leurs proches.   

 

2) LA DELICATE SITUATION DES HARKIS :                

 

              Devant cette situation dramatique et dans le souci du maintien de l’ordre ô combien fragile, nous avons dû intervenir pour arrêter l’effusion du sang qui coulait depuis plusieurs années déjà. Le commandement de la Wilaya III étant informé, ordre nous a été donné d’arrêter tous les harkis, pour préserver leur vie d’une part, et de les faire juger par l’Etat algérien d’autre part. Cette délicate opération ne s’était pas déroulée sans difficultés. Au moment de leur arrestation, certains harkis, pris de panique, tiraient avec des armes à feu sur les djounoud venus pourtant les sauver de la vengeance de leurs concitoyens. Un incident de ce type s’était produit malheureusement au village de Tigzirt (Ath Yenni) qui a coûté la vie au jeune Amokrane, notre secrétaire de région (voir photo ci-dessous)

(De G à D. : Hamache- Yahia Yakoubi, aspirant - Tedj, secrétaire - Ouzrourou Salah, officier de permanence PC région - Amokrane, au béret noir (la victime), secrétaire)

         

              Au fur et à mesure de leur arrestation, les harkis étaient rassemblés dans la caserne du Camp du Maréchal (Tadmaït actuellement), pour être transférés ensuite vers la prison d’El Harrach, dans l’attente de leur jugement. La transition au Camp du Maréchal ne s’était pas passée comme nous le souhaitions. 

              En effet, a l’insu des responsables du camp – j’étais l’un d’eux –certaines de leurs victimes ont pu accéder à l’intérieur pour se venger. Ces forfaits étaient rendus possibles grâce à la complicité des gardiens. Lorsque nous nous étions rendu compte de ces actes regrettables, nous avions précipités leur transfert vers la prison d’El Harrach, pour les traduire en fin, devant la justice de l'Algérie indépendante, laquelle les a condamnés à des peines de prison. Après leur libération, grand nombre d’entre eux auraient choisit de vivre définitivement en France, selon nos informations.

                                   (Les harkis, au moment de leur arrestation par l’ALN)

            

             Dans le même temps, les populations Algériennes réfugiées en sol tunisien, rentraient progressivement au pays. Aussi et profitant de cette occasion, un certain nombre de djounoud de l’armée des frontières natifs de Kabylie, se sont mêlés aux civils, pour rejoindre les éléments de la Wilaya III. Tous les prisonniers furent libérés en vagues successives, sur plusieurs semaines. Parmi eux, des djounoud capturés au combat, ont rejoint nos unités.

 

3) LA FETE DE LA VICTOIRE :

             

            Au fur et à mesure que les soldats français quittaient les villages, les populations défonçaient d’abord les barbelés qui les encerclaient puis, se sentant libres, sortaient en foule à travers les champs qui étaient, la veille encore des zones interdites. C’était le déchaînement. Depuis plusieurs jours, la Kabylie était en fête. Les populations enthousiasmées, accueillaient les moudjahidine en héros.
            Plusieurs jeunes étaient venus nous demander avec insistance leur recrutement au sein de nos unités. Nous avions renforcés nos rangs avec ses volontaires, tout en donnant la priorité aux proches des moudjahidine. La caserne du camp du maréchal, reconvertie en centre d’instruction, avait accueillit ses éléments, pour passer une formation militaire. Ils ont rempli honorablement leur tâche.   

            Malgré plusieurs années d’absence sans aucune nouvelle de moi, la conjoncture du moment ne m'avait pas permis de rendre visite à mes parents.Ils résidaient pourtant à Akbile, (Ain el Hammam) localité assez proche de mon cantonnement (caserne de Tademaït-ex-Camp du Maréchal). Ayant appris que j’étais en vie, ils étaient venus à ma rencontre. C’était mon père et mes frères Said et Nourdine, (mon PM-49, entre les mains de ce dernier, voir photo ci-dessous). Il m’est impossible de décrire ce moment de joie et d’émotion, lors de cette rencontre.

 (Tadmait (ex-camp du maréchal) 1962-Mon père-Mes frères Said et Nourdine, venus à ma rencontre, après 5 ans de séparation)

             

               Cette photo à été prise en 1962, à Ait Hamsi Akbil (Ain el Hammam), mon village natal. Les habitants étaient réunis devant le moulin à grains appartenant à Salem Ouali, pour fêter leur victoire, celle du 19 Mars 1962 (le cessez le feu).

              On à pu y identifier, de G à D ; debout : Meghzouchène Bouzid –Kaci Amar Ammar - Ben Abdeslam Ouahmi – Ben Hamiche Amokrane – Ouzrourou Ali ; assis : le 1er du rang, Si Amer Amar – à l’extrémité, son frère Mouhoub. Toutes mes excuses sont adressées aux personnes non identifiées ainsi qu’à leurs proches.

              Pendant ce temps, des opportunistes de tous bords cherchaient à approcher des responsables de l’ALN dans le but de prendre des postes au sein de l’administration ou bénéficier d’un intérêt économique quelconque. D’autres se ruaient sur les biens mobiliers et immobiliers abandonnés par les Européens. Ils s’en sont accaparé, durablement d’ailleurs. Certains allaient jusqu’à se faire délivrer des actes notariés pour justifier la soi-disant transaction, tandis que la majorité des Algériens, qui n’avaient d’ambition que l’indépendance du pays, criaient haut et fort «Vive l’Algérie indépendante».

      (Photo prise en 1962, dans le secteur de Draa el Mizan, au lendemain du cessez-le-feu)

 

              Au milieu de toutes ces foules enthousiastes, des voleurs se mêlaient pour les alléger de leurs portefeuilles, cette action se déroulant sous l’œil vigilant d’un élément d’une bande rivale, celui-ci répétait le mot «Qassamen» pour les prévenir sur le partager du butin. Ce refrain de l’hymne national était répété à longueur de journée par les populations.

             Toutes les troupes des postes avancés de l’armée française (installés dans des centres de regroupement), durent rejoindre leurs garnisons implantées dans les villes. Sans tarder, les unités reconstituées de l’ALN prenaient leur place. Les quelques djounoud venus des frontières étaient intégrés dans nos unités pour être ensuite affectés dans des centres d’instruction.

Tel fut le cas du jeune Bay Saïd, promu au grade d’aspirant et affecté au centre d’instruction de Tadmaït en qualité d’instructeur. Sa dernière affectation que je connaisse, était chef de la 1ère Région militaire à Blida, au grade de général.
             Quand à nous, officiers membres du comité de la région I-zone IV-Wilaya III, avions été désignés chacun dans un secteur, avec pour principales missions de veiller au respect du cessez-le-feu, au maintien de l’ordre, à la discipline et, de manière générale, pour encadrer les populations qui déferlaient de partout pour manifester leur joie afin d’éviter tout dépassement. Notre PC fut installé au village de Taourit Mokrane (Ath Yenni).

           

 

4) LE DEPART DE L’ARMEE FRANCAISE :

               

              Dans notre région se trouvaient deux grandes garnisons de l’armée française, à Draâ El Mizan et Boghni. Des directives nous ont été données pour les occuper avant leur évacuation, et ce, après un accord préalable passé avec les commandants des casernes concernées. Nous étions, moi (l’aspirant Salah Ouzrourou) et l’aspirant Sahnoun Abdallah, désignés pour prendre la relève de l’armée française, le premier pour la garnison de Draâ El Mizan et le second pour celle de Boghni.

              Avec un groupe de djounoud, je me suis rendu dans cette garnison pour la prendre définitivement en charge. Vêtu d’un treillis neuf, une étoile sur chaque épaule, accompagné d’un groupe de djounoud, nous marchions vers la caserne. Arrivés au portail d’entrée, nous fumes accueillis par une section, commandée par un colonel, qui nous a rendu les honneurs. C’était un geste qui m’avait marqué pendant longtemps.

               Sans tarder, nous nous mettions à la passation de services. Il fut procéder sur place à la constatation des matériels existants et un inventaire dressé contradictoirement, arrêté. Le procès-verbal rédigé et dument signé par les deux parties. Nous avons procédé ensuite à l’inspection d’une compagnie de la force locale que nous devions prendre en charge, en application des Accords d’Evian. La liste de cette compagnie faisait ressortir un effectif de près de 150 hommes. Les matériels étaient constitués d’armement léger et de fusils de chasse, de mortiers de 60 et de 80 mm, de canons de 57 mm, de véhicules de transport de troupes (camions, jeeps). Divers produits d’hygiène corporelle étalés sur des étagères du foyer ont également été pris en charge.

               Ceci étant et après un échange d’adieux cordial entre les pires ennemis, d’il y a seulement quelques jours, le colonel français et un détachement de ses soldats, montèrent sur une jeep et deux camions à destination de Tizi Ouzou. C’est ainsi que les derniers soldats français quittèrent définitivement notre région et que notre Drapeau levé à la place de celui de la France coloniale.

 

5) LE REFERENDUM D'AUTODETERMINATION :

              

          Une autre mission et pas des moindres nous avait été confiée par le commandement de la Wilaya III à savoir, prêter assistance aux émissaires envoyés par l’exécutif provisoire installé au Rocher Noir (Boumerdes, aujourd’hui), pour faire la campagne du référendum d’autodétermination. Dans ce cadre, nous avions reçus l’avocat maître Djender, avec qui nous avons fais la tournée des villes et villages. Lors des rassemblements populaires, je prenais la parole en premier à l’effet de présenter l’émissaire de l’exécutif provisoire, pour faire son discours. Une fois la campagne terminée et le référendum passé, M. Djender avait eu droit à une prime de campagne, selon nos informations, d’un million de francs ! Tandis que mes compagnons d’armes et moi-même, percevions toujours la solde de 5 francs par mois... En réalité, la campagne électorale avait été faite par les moudjahidine, les seuls en lesquels les populations avaient confiance ; cela a été constaté à l’occasion des différents rassemblements populaires.

 

6) DIVERDEANCES ENTRE LES RESPONSABLES DE L’INTERIEUR ET DE L’EXERIEUR :

           

           De l’autre côté des frontières, des divergences idéologiques entre les responsables politiques du FLN, le GPRA et l’état-major de l’Est (l’armée des frontières) éclataient au grand jour, non sans se répercuter sur l’intérieur. Ils entamèrent une course effrénée pour la prise du pouvoir. On entendait parler du groupe de Tlemcen dont le chef de file était Ahmed Ben Bella, du groupe de Tizi Ouzou, à sa tête Krim Belkacem et Mohamed Boudiaf, chacun cherchant l’appui des responsables des wilayas et la sympathie des populations, (voir photo ci-dessous, prise en 1962 à Beni Maouche)

              Les wilayas II, III, IV et la zone autonome d’Alger, à l’exception de Yacef Saadi, soutenaient le GPRA. Tandis que le tout puissant état-major de l’Est, commandé par le colonel Houari Boumediene, il s’était rangé du côté du groupe d’Oujda et à sa tète, Ahmed Ben Bella (voir photo ci dessous).

           (Tlemcen 1962, au 1er rang : X - Ahmed Ben Bella - Colonel Chabani - Maitre Ali Boumendjel)

              

                  Les hauts responsables du FLN de l’extérieur, qui s’étaient formés en clans, se sont rendu chacun, dans une région où il compte avoir des appuis, tant du coté de combattants de l’intérieur que des populations locales. En ce qui nous concerne, nous avons eu l’honneur d’accueillir Krim Belkacem, membre du GPRA et chef de la délégation du FLN aux négociations d’Evian, au lendemain du cessez-le-feu. Accompagné de certains responsables du FLN, il s’est rendu dans la Wilaya III pour la tenue d’une première réunion avec les moudjahidine et la population de cette région. En présence du colonel Akli Mohand Oulhadj, chef de wilaya, Karim Belkacem avait tenue sa première réunion avec les Officiers. A cette occasion, il n’a pas manqué de porter à notre connaissance les tenants des divergences qui opposaient les différents responsables au sommet du FLN. Nous étions les hôtes à déjeuner, du maire de la ville de Boghni, étant donné que sur le plan matériel, lui seul pouvait accueillir dans des conditions acceptables, un nombre de personnalités aussi important (voir photo ci-dessous).

           Pendant ce temps, les populations de la ville et de tous les villages environnants, se rassemblaient sur la place de Boghni, dans l’attente l’apparition de Krim Belkacem et de ses compagnons. Après le déjeuner, ces derniers se dirigeaient vers la place ou était édifiée une esplanade à leur intention, pour une prise de parole. Le premier discours fut prononcé par Krim Belkacem durant plus d’une heure, suivi par le Colonel Mohand Oulhadj, chef de la Wilaya III, qui a clôturé ce rassemblement. Certains moudjahidine et une partie de la population, n’ont pas vu d’un bon œil le fait que se soit le maire de l’administration coloniale, demeuré actif jusqu’alors, qui reçoive chez lui des héros de la Révolution, dans le bastion de la révolution.
           Malgré tout, l’ensemble des Algériens se réjouissaient de demeurer vivants, après avoir subit une guerre d’extermination, les rescapés des bombardements au Napalm et à l’opération jumelle, dont les photos ci-après sont édifiantes, auraient-ils cru vivre ces moments de joie fêtés par l’Algérie ? C’est pourtant une réalité. Il suffit de voir la photo de gauche prise dans l’intervalle de quatre jours après le bombardement au Napalm, de la foret de Boumahni, en 1960 et celle de droite prise en 2013, montrant les retrouvailles des mêmes moudjahidin à Maamar (Draa el Mizan), à l’occasion du recueillement devant la tombe du Chahid, Commandant Benour Ali, dit Si Ali Mouh N’Ali.

(Photo noir et blanc, Boumahni 1960, de gauche à droite : - Slimane Ameziane - Ali Larabi - Salah Ouzrourou)

(Photo couleurs, Maamar (Draa el Mizan) 2013, de gauche à droite: - Les mêmes personnes, pour les trois premiers, auxquels s’ajoutent les anciens compagnons d’armes, Achène Hadj Saïd et Bendif Rabah)

 

7) L’ARMEE DES FRONTIERES RENTRE PAR EFFRACTION :

 

          Selon des informations qui nous étaient parvenues des frontières, des unités de l’état-major de l’Est, se  préparaient pour marcher sur Alger. En effet, et en violation des  accords d’Evian, ces unités faisaient mouvements vers la capitale. Il s’agissait des bataillons formés aux centres d’instructions de Mellag et de Ghardimaou, en sol tunisien, leurs instructeurs étaient des officiers de l’armée française d’origine algérienne.

            Cette armée des frontières, voir les photos ci-dessus, disposait d’un matériel de guerre moderne, (armement et moyens de transport). Ils avaient forcés la porte de la wilaya II qui a faiblement résistée. Dans leur avancée vers la capitale, les unités de la wilaya III leur ont affichés une sérieuse résistance. En effet, toutes les routes de l’Est et du sud Est, menant vers le nord et le Nord Ouest, étaient barricadées et gardées par nos unités. En certains endroits, le pire a été évité grâce aux pourparlers engagés entre les deux parties.       

Par contre, de violents combats ont été enregistrés à Ain el Hedjel, du coté de Sidi Aissa, à la limite Sud de la wilaya III. C’était ici que des foules impressionnantes venues de partout et bravant le danger de mort, se mettaient entre les deux camps pour les séparer, en scandant le fameux mot : « sebaa snin barakat » (sept ans ça suffit). Des pertes en hommes étaient déplorées des deux cotés, y compris des civils.

             Je n’étais pas présent sur ce front, mais ces informations m’ont été rapportées par des chefs de compagnies faisant parti de mon Bataillon, qui ont vécus ces événements regrettables, dont le S/Lieutenant Ferrah Arezki chef de compagnie, lui-même blessé au cours des affrontements. L’adjudant Haniche Abdelkader, chef de section, également présent sur les lieux des affrontements, à bien voulu nous livrer le témoignage suivant :

Je cite: « En 1962, après le cessez le feu,  je me suis retrouvé dans le 9ém Bataillon en qualité de chef de section, au grade d’adjudant. Mon bataillon à fait mouvement sur Sidi Aissa pour barrer la route à l’armée des frontières, venu de la Tunisie pour prendre Alger par la force et ce, suite à la mésentente qui à prévalue entre cette dernière et le GPRA. Dans cette localité, les combats faisaient rage durant plusieurs jours. Des morts étaient enregistrés des deux cotés.  Des civils venus de partout s’y mêlaient en scandant «séb3a snin barakat » (sept ans ça suffit). La sagesse ayant pris le dessus, nous avions cessés les hostilités et nous nous retirâmes sur Boussaâda, puis Sétif et enfin Bejaia, en passant par les gorges de Kherrata. Nous y avions rencontré un autre bataillon de la Wilaya III, venu lui aussi à la rencontre de l’armée des frontières qui n’a pas passée par là. A la première vue, cette unité nous prenant pour l’armée des frontières, était sur ses gardes, mais s’étant rendu compte, après coup, que nous n’avons pas l’ère de l’agresser, n’à pas ouvert le feu.  C’était l’instant des retrouvailles, car, au sein des deux bataillons, se trouvaient des compagnons d’armes qui avaient fait un bout de chemin ensemble, on s’embrassait mutuellement, les larmes aux yeux. » Fin de citation.

             Aussi, pour exprimer leur désapprobation sur les affrontements entre  les frères de l’intérieur et ceux de l’extérieur, le même mot d’ordre (sbaa snin barakat), fut porté par les populations et répandu à travers les rues, les champs, les villes et les villages, lors d’interminables manifestations.

              Pendant ce temps, le 63ém bataillon dont faisait partie la compagnie que je commandais (voir la liste nominative annexe I), se dirigeait vers Bougie (Bejaïa) pour barrer la route à cette armée des frontières, du coté nord-est de la wilaya III. Dieu merci, la rencontre eut lieu sans heurs. En effet, après un entretien cordial entre les dirigeants des deux cotés, l’affrontement qui était imminent, s’était transformé en un accueil chaleureux. Les djounoud positionnés aux premiers rangs,  entreprirent de s’embrasser affectivement, les larmes aux yeux. Ce n’est qu’après coup que nous nous étions rendus compte qu’il s’agissait du 9ém bataillon de la même wilaya III, dont faisait parti l’adjudant Si Abdelkader Heniche , qui à bien voulu donner le témoignage rappelé ci-dessus. D’autres troupes des frontières, étaient rentrées par le sud, en traversant les wilayas I, V, et VI.

              Pourtant, les djounoud de l’intérieur ou ceux venus des frontières, dont la majorité, même s’il elle n’avait pas l’occasion ou la chance de combattre  notre ennemi commun, à savoir la soldatesque Française, appartenaient tous au même peuple. Ils étaient originaires de différentes régions du pays : Kabyles, Chaouias, Oranais, Constantinois, de l’Ouarsenis, des hauts plateaux, du Sahara. C’étaient des Algériens tout court. Après le retour au calme, ces mêmes djounoud étaient persuadés que les hommes qu’ils ont trouvés devant eux, n’étaient pas de la force locale, contrairement à la propagande répandue dans leur milieu, par ceux là même qui avaient l’ambition de prendre le pouvoir par la force et à n’importe quel prix, mais il s’agissait de moudjahidin qui ont résistés farouchement à une guerre meurtrière que leur à imposé la France et survécus aux bombardements au Napalm et à l’opération jumelle. Ces révolutionnaires portaient sur leurs corps les traces de blessures de guerre, non encore cicatrisées pour certains, ou des séquelles de tortures subies dans des camps ennemis.

 

8) MISSIONS DE MEINTIEN DE L’ORDRE PUBLIC :

       

            De retour de Bejaia, ma compagnie fut désignée pour assurer la sécurité dans la sous-préfecture de Bordj Menail. Il faut préciser que plusieurs hommes des forces françaises de sécurité publique (policiers, gendarmes ou autres agents de renseignements), avaient fuit leurs postes où retirés par les responsables de leurs corps respectifs. Presque toutes les infrastructures et institutions publiques étaient à l’abandon et exposées à toutes sortes de convoitises. Ce vide ne devait être comblé que par des unités de l’ALN. D’ailleurs, certains de mes compagnons (Officiers) avaient été désignés pour assurer les fonctions de Sous Préfet (chef de Daïra).

              Je dois signaler à ce propos, que le sous préfet de Bordj Ménael, étant originaire de cette localité, avait faillit être lynché par la population, si ce n’était notre intervention pour calmer sa colère. Ces concitoyens lui reprochaient d’avoir collaboré avec l’ennemi durant la guerre de libération. De notre point de vue, nous n’avions aucune preuve de son implication dans des actions liées à la contre révolution. Ceci étant, grâce à la confiance dont nous jouissions auprès des populations, le calme est revenu et le sous préfet ne tardera pas à reprendre ses fonctions en toute sécurité.  Plusieurs années plu tard, il fut promis au rang de wali.

              Il fallait également prendre en charge le contrôle de la circulation routière. Ainsi, outre le gardiennage des institutions publiques, j’ai du faire installé deux sections dans des fermes abandonnées par leur propriétaires européens, l’une à Si Mustapha (ex-Félix Faure), l’autre aux Issers, pour assurer le control routier, sur l’axe Alger-Tizi-Ouzou, (voir exemple photo ci-dessous)

(cette voiture est l’un des moyens de la compagne sur le référendum d’auto-détermination)

         

           D’autres unités de la wilaya III furent elle aussi installées dans la capitale, notamment à la caserne Ali Khoja, pour les mêmes raisons et les mêmes taches.

Aussi, il faut rappeler que ce qui restait des services de sécurité hérités de l’administration Française, ont été renforcé par nos éléments, en l’occurrence, ceux qui venait d’être libérés des geôles ennemies qui avaient choisis volontairement de rejoindre les différents corps, notamment, la gendarmerie, la police et les services forestiers, pour la plupart.

          Même si les bombes de l’OAS ont cessées d’exploser, la situation sécuritaire était critique à Alger. En effet, un climat de méfiance et de suspicion s’y était installé après la circulation des rumeurs selon lesquelles l’armée des frontières avançait sur la capitale. La peur d’un affrontement prévisible entre cette dernière et les unités des wilayas III et IV, stationnée à Alger, se lisait sur tous les visages des algérois.

          Par ailleurs, des individus de l’armée des frontières qui s’étaient infiltrés au sein des populations, avaient répandus une autre rumeur selon laquelle les unités des wilayas III et IV, n’étaient que des éléments de la force locale (harkis et goumiers), léguée par l’armée française et que les vrais combattants de l’ALN étaient tous morts.  Un mensonge qui ne pouvait pas tenir la route. Car l’armée des frontières qui vivait sur le sol tunisien à l’abri du danger, du froid et de la faim, ne savait rien des combattants de l’ALN qui vivaient toujours au sein des populations avec lesquelles ils partageaient leurs souffrances. Savaient-ils seulement que ces combattants n’étaient autres que les rescapés de l’opération jumelle qui a sévie dans la wilaya III de juillet 1959 au 19 mars 1962 ainsi que des moudjahidin faits prisonniers par l’ennemi et libérés après le cessez le feu ?

           A propos de la force locale, il y a lieu de préciser que conformément aux accords d’Evian, nous les avions pris en charge effectivement. Cependant, tous les éléments qui la composaient, ont été libérés par nos soins, une semaine seulement après que nous les ayons comptés dans nos effectifs. Leurs armes avaient été affectées aux nouvelles recrues volontaires, choisies parmi les enfants de familles connues pour leur engagement dans la révolution.

            Dans ce contexte également, des opportunistes de tous bords profitaient de cette situation chaotique pour s’accaparer des biens abandonnés par les européens ayant fui le pays. Ils avaient occupé illégalement des villas et des appartements royalement meublés. Plusieurs d’entre eux ont abandonné ces immeubles après avoir vendu les meubles et les ustensiles qu’elles contenaient. D’autres opportunistes dont le comportement durant la révolution était douteux, asseyaient de se rapprocher des officiers de l’ALN pour gagner leur sympathie. Ils s’étaient même permis de leur proposer leur fille en mariage, pour profiter de certains avantages que peut leur procurer cette alliance.

                

                            

 

                                 CHAPITRE II : PROCLAMATION DE L INDEPENDANCE

 

1)  LA COURSE AU POUVOIR :

         

          Dés la proclamation de l’indépendance, le 03 juillet 1962, l’emblème national levé par le colonel Akli Mohand Oulhdj, dit Amghar « le Sage », chef de la Wilaya III, flottait au lieu et place du drapeau français, à sidi-Fredj, lieu symbolisant la pénétration de l’armée française, le 05 juillet 1830. Les populations sortaient en familles dans les rues plusieurs jours durant, pour manifester leur joie, au point ou l’on croirait que les manifestations n’allaient pas s’arrêter. L’armée française s’étant retirée des compagnes, demeurait toujours présente dans les grandes villes, attendant son rapatriement par vagues successives, vers la France.

           Soutenu par les Wilayat II, III, IV, et la zone autonome d’Alger dont les responsables connus étaient : le colonel Mohand Oulhadj, (W-III), le colonel Youcef Khatib et le commandant Lakhdar Bouragaà, (W-IV), le commandant Azzedine, (ZA d’Alger) et le commandant Soute larabe, (W-II), le GPRA  avait fait une entrée triomphale dans la capitale, Alger. Il avait été chaleureusement accueillit par les populations. Son présidant Ben Khedda, à fait une déclaration dans laquelle il à essentiellement indiqué que l’armée de l’intérieur et de l’extérieur ne peut que se fusionner dans l’Armée Nationale Algérienne, sous l’égide de l’autorité supérieure du pays. Il à rappelé que certains officiers des frontières Marocaines et Tunisiennes, ont souvent tendance à ne compter que sur la force des armes, ajoutant que cette conception dangereuse conduit à sous estimer le rôle du peuple, voir le mépriser.

     (Entrée triomphale du GPRA à Alger en 1962,  accueille chaleureux des populations)

 

            Après l’échec du congrès de tripoli, des personnalités du FLN établis à l’étranger, dont le groupe d’Oujda, soutenues par l’état major de l’Est, à sa tête le colonel Houari Boumediene, étaient les plus en vu pour prendre le pouvoir, même par la force.  L’armée des frontières dirigée par Boumediene s’installa donc dans la capitale, tout comme s’installa le bureau politique autoproclamé du FLN dont le secrétaire général était Ahmed Ben Bella.

(Photo 1) Le Colonel Boumédien, chef d’Etat Major de l’Est (armée des frontières), en route pour la capitale, soutient le bureau politique autoproclamé du FLN.

     (Photo 2) Ben Bella à l’écoute de Mohamed Khider, faisant une déclaration à l’endroit des Wilaya III et IV, opposées au BP du FLN, en prononçant des critiques à leur adresse.                                                                                                                                 

          (De Tlemcen, Ben Bella donnait une conférence de presse aux journalistes)

  (Au 1er rang, on distingue, de G à D : Abdelaziz Bouteflika - Gaid Ahmed -

   Chaabani Mohamed - Ahmed Ben Bella - Houari Boumedien)  

 

           Les hommes du groupe d’Oujda, visibles sur les photos ci-dessus, multipliaient des déclarations de presse. A ma connaissance, l’instance autoproclamée du bureau politique du FLN, était considérée illégitime par les wilayas II, III et IV, étant donné  qu’aucun organe dirigeant n’à été issue du congrès de Tripoli dont la séance venait d’être suspendue sans prendre de résolutions, des suites de divergences apparues au sein des responsables du FLN. De ce fait, le congrès de Tripoli demeure ouvert à ce jour.

         Les membres du GPRA et d’autres personnalités connues du FLN appelé "groupe de Tizi-Ouzou", étant mis à l’écart, le pouvoir est ainsi pris de force par le groupe d’Oujda, dont le chef de file était Ahmed Ben Bella, soutenu politiquement par le colonel Abdo Nasser, chef de l’Etat Egyptien. Les nouveaux maitres du pays passèrent donc à l’action, en annonçant l’organisation des élections libres pour une assemblée constituante.

         Aussi, dès les premiers instants de la mise en place du bureau politique du FLN, son porte parole, Mohamed khider, avait annoncé à la radio d’Alger que les troupes de l’ALN doivent rentrer dans les casernes et que cette institution s’appellera désormais, « Armée Nationale Populaire ».

        Pour éviter le chaos qui menaçait le pays, les opposants au groupe d’Oujda ont cédés à la pression de leurs adversaires. Ils ont finis par accepter d’intégrer le nouveau bureau politique. La première résolution de cette instance dirigeante, à été lue par Mohamed Khider aux cotés de Mohand Oulhadj et de Mohamed Boudiaf. A la fin de cette déclaration, ce dernier paraissant non satisfait de la déclaration du premier intervenant, à sorti de sa poche un autre document qu’il à lue séance tenante, (voit photo ci-dessous)

            Ce fut les premiers pas vers l’organisation des premières élections pour une assemblée constituante. Ferhat Abas étant élu président, Ahmed ben Bella est désigné pour former le premier gouvernement de l’Algérie indépendante et le portefeuille de la défense nationale était confié au colonel Houari Boumediene, de son vrai nom, Mohamed Boukherouba. Cette assemblée constituante qui avait donnée beaucoup d’espoir aux Algériens, à été malheureusement vidée de ses prérogatives.

            En effet, le projet de la première constitution Algérienne à été concocté par le clan d’Oujda et fut présenté à cette assemblée réunie dans la salle de cinéma « Le Magestique », à Bab el Oued, aujourd’hui « l’Atlas », par Ahmed Ben Bella. Cette manière d’agir avait suscitée le mécontentement général, au point ou des  personnalités historiques, notamment Ait Ahmed, Boudiaf et d’autres, s’étaient définitivement retirés et versés dans l’opposition, tandis que le présidant de l’assemblée constituante, Ferhat Abas lui, à démissionné.

            Quand à la wilaya III dirigée par le colonel  Mohand Oulhadj, elle  s’était de nouveau repliée sur elle-même, en attendant de voir plus clairement. Pendant ce temps, la préférence à été donnée à la restructuration de nos unités. Elles étaient composées en majorité de moudjahidin, ces miraculés ayant survécus à l’opération jumelle et de prisonniers de guerre, après leur libération. Ces mêmes unités étaient  renforcées par des jeunes issus des familles dont le comportement pendant la révolution était irréprochable.

            A l’occasion de cette restructuration et à l’instar de tous les personnels de la Wilaya, je venais d’avoir ma première carte d’identité Nationale, établie le 11 octobre 1962 par la Wilaya III et signée par le colonel Si Mohand Oulhadj, c’était mon 20 ème anniversaire, à sept jours près, (voir photo ci-dessous)

           Aussi, nous avions entendu parler que le trésor (un vrai trésor, constitué de louis d’or, de bijoux en or et en argent, estimé à plusieurs kilos et autres fonds en espèce) détenu par la Wilaya III, venait d’être versé à la présidence de la république, par les soins du colonel Mohand Oulhadj, chef de cette même Wilaya.

          Tout compte fait, la wilaya III possédant un dispositif militaire important, ne pouvait que se soumettre aux institutions mises en place même illégitime, l’intérêt national oblige. C’est ainsi qu’elle à intégrée l’Armée Nationale Populaire.

 

 

2) RECONVERTION DE L’ALN EN ANP :

 

            L’Armée de Libération Nationale (ALN), fut reconvertie en Armée Nationale Populaire (ANP). Le ministère de la défense nationale était alors créé. Ces structures se définissaient comme suit :

           a) Des directions centrales dont l’aviation, la marine et le corps de la gendarmerie nationale. Leur commandement était confié, à ma connaissance, aux officiers issus de l’armée française.

           b) Sept Régions Militaires étaient créées à savoir : 1ère région à Blida, 2ème région à Oran, 3ème région à Ouargla, 4ème région à Bechar, 5ème région à  Constantine, 6ème région au sud, 7ème région à Tizi Ouzou. Le commandement de ces mêmes régions militaires était confié aux colonels, commandant les anciennes Wilaya historiques.

           c) Les régions militaires, elles même, étaient scindées en sous groupements comprenant plusieurs bataillons.

           Il y à lieu de remarquer que l’ordre de classement des régions militaires rappelé ci-dessus, révèle bien l’hésitation de la  Wilaya III située au centre du pays, à se soumettre à l’autorité  de fait, imposée par la force des armes au lendemain de l’indépendance. Lorsque celle-ci se décida de rentrer dans « les rangs », voir dans l’ANP, elle devenait alors la 7ème région militaire, au sein de laquelle furent crée des Sous-Groupements. Elle est commandée par le colonel Akli Mohand Oulhadj. N’ayant pas confiance en cette région rebelle, le pouvoir en place à procédé à l’affectation d’un Officier supérieur issu de l’Armée Française, le commandant Zerguini, en qualité d’adjoint. Le PC de la région fut installé à Tizi Ouzou dans la caserne d’El Bordj qui venait d’être vidé par l’armée Française.

          Ma première affectation dans le cadre de l’organigramme de l’ANP, fut le sous/groupement de Draa ben Khedda, en qualité de secrétaire de cette structure, installée dans les locaux de l’ex-gendarmerie française. Ses missions principales étaient la refonte des unités de l’ex-Wilaya III. Pour ce faire, la caserne du Camp du Maréchal (Tademaït) avait été choisie pour :

         a) rassembler tous les moudjahidin afin de les faire passer devant une commissions de réforme.

         b) devenir un centre d’instruction destiné aux éléments déclarés aptes pour le service, par la dite commission de réforme, afin de recevoir une formation militaire de base pour constituer ensuite, des unités.

           Les toutes premières mesures prises par les décideurs du ministère de la défense nationale, dont les postes-clefs étaient détenus par les officiers issus de l’armée Française, étaient de faire passer une visite médicale systématique à l’ensemble du personnel, à l’effet  de découvrir les éléments inaptes, un prélude à l’évincement des moudjahidin, de l’ANP. Sachant que le gros des effectifs était des combattants usés par une longue et impitoyable guerre de libération nationale, il est évidant que ces derniers soient directement visés par cette mesure injuste et inopportune. Vrai ou faux ? L’histoire nous le dira un jour. Quoi qu’il en fut, pour nous moudjahidin, nous la considérions comme étant une véritable purge et que l’une des bombes à retardement laissée par la France coloniale, venait d’exploser.

           A cette fin, une commission médicale composée pour la plupart de médecins bulgares, était installée au centre de regroupement de Tademaït (ex camp du maréchal), où  des milliers de djounoud dont des moudjahidin y passèrent une visite médicale  systématique. Plusieurs d’entre eux étaient réformés pour différentes infirmités dues ; soit aux blessures de guerre, soit aux tortures subies dans des centres spécialisés (DOP), tels que celui où nous étions installés (voir liste nominative annexe I), soit par limite d’âge (voir liste nominative annexe II).

            De part mon grade, de  S/lieutenant et chef de compagnie, je fus le premier à subir cette visite médicale et le n°1 sur la liste des éléments reconnus inaptes au service (voire annexe I). Le gros des effectifs déclarés inaptes était libéré. Aussi, les conditions de séjour étant difficiles pour la majeure partie des moudjahidin, dont l’âge était avancé et la santé fragile, ont fait que plusieurs d’entre eux à carrément déserté leurs camps. Quant aux éléments lettrés, même s’ils étaient déclarés inaptes par les commissions de réforme, ce fut  mon cas ; les commanditaires de cette purge avaient pris le soin de les maintenir en activité, car leur présence au sain de l’ANP était indispensable pour la mise en place de l’administration militaire et l’encadrement des unités en constitution.

            Enfin, une liste des éléments aptes au service avait été établie pour chacun des trois centres relevant du sous groupement de Draa Ben Khedda, à  savoir :

           a) le centre de Michelet « Ain el hammam » (voir annexe III)

           b) centre de Bordj Menail (voir annexe IV)

           c) le centre du camp du Maréchal « Tademaït » (voir annexe V)    

Il faut rappeler que cet établissement (camps du maréchal) était à l’origine, un centre de formation professionnel du temps de l’occupant Français. Le sort à voulu qu’il soit destiné à d’autres activités et à été le théâtre de situations dramatiques, pendant la révolution et après l’indépendance, à savoir :

         - D’abord, par l’armée d’occupation pour le rassemblement des milliers de citoyens arrêtés dans la région ou ramenés d’autres coins du pays, avant de les faire passer à la torture. Les survivants d’entre eux, étaient réorientés vers les prisons centrales coloniales,

         - Puis, par l’ALN après le cessez le feu, pour le rassemblement des harkis, afin de les protéger de la vendetta  populaire, avant de les faire diriger vers la prison d’El Harrach pour être jugé.

        - Ensuite, transformé en centre de réforme par le ministère Algérien de la défense nationale, pour éliminer les moudjahidin déclarés inaptes pour le service et intégrer le reste dans les unités reconstituées de l’ANP.

        - Enfin, par le même ministère pour être reconverti en centre d’instruction de l’ANP.            

         Pour assoir définitivement les visés de l’armée des frontières, il fut procédé à l’affectation des instructeurs venus des ex-camps d’instruction de Ghardimaou et de Mellag (en sol Tunisien), après l’indépendance. Un certain nombre d’entre eux était issus de l’armée française. C’est ainsi que ce qui restait des moudjahidin furent enrôlés avec de nouvelles recrues, dans des unités en formation et contraints de subir l’instruction militaire.

          Au début, notre sous/groupement était commandé par le lieutenant Hachour Mohand Ouramdan (si Mohand Ouramdan), membre de la zone IV - Wilaya III historique, secondé par le lieutenant Belkacem Hanafi (si El Habachi) ainsi que le lieutenant  Kiréche  Ramdane (si Ramdane) et moi-même S/Lieutenant, exerçant les fonctions de secrétaire du sous/groupement (voir photos ci dessous). 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(De gauche à droite : 1ére photo 2013 - Hachour Mohand Ouramdane et Ouzrourou Salah – 2éme photo 1965 - Bekkacem Hanafi – 3éme photo 1965 - Kirèche Ramdane)

 

            Il  ne se passait pas plus de quelques mois, pour que le capitaine Abas Gheziel fût muté chez nous, pour commander le sous-groupement. Quelques années plus tard, il devenait commandant de la Gendarmerie Nationale. D’origine Chaouie, il appartenait à l’armée des frontières. Je dois reconnaitre que parmi les chouias que j’ai côtoyé au sein de l’ANP, et ils étaient nombreux, c’était le seul avec qui j’ai engagé une conversation, en langue Amazigh, sans complexe. Les autres Chaouias avaient un complexe à parler leur langue maternelle. Les Lieutenants Hachour Mohand Ouramdane et Kiréche Ramdane restaient en place, en qualité d’adjoints, quand à moi, je continuais à m’occuper de l’administration du sous/groupement.

          Dés lors que l’institution militaire est mise en place, les premières directives diffusées  à l’intention des régions militaires, émanèrent de la direction générale de l’armement et matériel. Elles consistaient à la création de compagnies de manutentionnaires pour la manipulation des armes, le recensement des poudrières et des soutes de munitions, la fourniture des états de l’armement existant en leurs seins, recenser et récupérer les armes détenues illégalement et l’état des véhicules en service dans les régions militaires (voir en annexe VII, la directive N°I, daté du 7 novembre 1962. Les directives N° 2-3-4 et 5, exigeaient des régions militaires de procéder au recensement de l’armement et du matériel roulant existant dans chaque région et à adresser au ministère de la défense nationale (service armement et matériel).

           Les premières actions prises par le commandement de la 7ème région militaire depuis sa création, fut la reconstitution des unités, suivant un organigramme arrêté par le ministère de la défense nationale. Quand à moi, secrétaire du sous/groupement, dont les missions devraient cessées après la constitution de Bataillons, je fus désigné à la tête d’une compagnie, (voir annexe VI)

           A compter du mois d’octobre 1962, les dépenses de la 7ème région militaire (ex-Wilaya III), étaient prises en charge par le ministère de la défense nationale. Dans ce sens, une note de service émanant cette fois, de la 7ème région militaire, est venue  réglementer les rémunérations au sein des unités (voire annexe VIII). C’est ainsi qu’à partir du mois de novembre 1962, la solde des personnels militaires était fixée par la décision N°1 du 09/11/1962 (annexe IX), émanant de la 7ème région militaire, comme suit :

  - caporaux et djounoud           20.000 anciens francs

  - s / officiers                               25.000     «          « 

  - officiers                                    30.000     «         « 

  - les allocations familiales         2.000     «         « 

           Pour les besoins de la gestion des la carrières du personnel, nous avons demandé à chacun d’eux, de ramener les documents d’Etat civil nécessaires à l’établissement de leurs dossiers administratifs. Bénéficiant d’une permission de huit jours et munis d’une recommandation délivrée par nos soins, destinés aux responsables municipaux, nos éléments partaient par vagues successives, à la recherche des précieux documents. Il a fallu plusieurs mois aux intéressés pour pouvoir se les procurer, étant donné la disparité de leur lieu de naissance et la difficulté de communication et de transport. Aussi et conséquemment au vide laissé dans l’administration par les fonctionnaires ayant fuis leurs postes, au lendemain de l’indépendance, un certain nombre de djounoud étaient incapable de les produire à partir de leur lieu de naissance et avait recours aux tribunaux pour se tirer d’affaire.

           Toutes ces difficultés n’ont pas empêchées la constitution  des dossiers de l’ensemble des personnels militaires et l’assainissement de leur situation administrative. Ils ont été finalisés et établis en deux exemplaires pour les sous/officiers et les djounoud, dont l’un est destiné à la 7éme région militaire et en trois exemplaires pour les officiers dont deux sont destinés l’un, à la même région militaire et l’autre, au ministère de la défense nationale (direction des personnels). La régularisation des situations administratives de chacun deux avait lieu avec effet du 1er janvier 1963, en prenant en considération le grade détenu à la veille du cessez le feu, par la hiérarchie, à savoir :

            a) le ministère de la défense nationale, pour les Officiers,

            b) le commandement de la 7ème région militaire, pour les Sous Officiers,

            c) les chefs de corps, pour les hommes de troupe.

            Enfin, pour ce qui à trait à l’organisation de l’Armée Nationale Populaire, je dois dire sans risque de me tromper, que s’était la première institution de l’Algérie indépendante à être structurée et bien organisée et je suis fière d’y apporter ma petite contribution.                                                   

            Au cours des années passées dans les maquis, objet de la première partie de mes mémoires, je ne croyais pas survivre à l’opération jumelle. Mais voilà, comme le destin en a décidé autrement, j’ai vécu des moments de joie partagée avec mes concitoyens, dans l’indépendance retrouvée. Malheureusement ces moments de joie n’étaient que de courte durée. En effet, quelques mois seulement après l’élection de l’assemblée constituante, les anciennes rivalités entre responsables politiques viennent de remonter à la surface et ont écourté la fête. Dés l’installation d’un premier gouvernement illégitime de l’Algérie indépendante, nous voilà plongés dans une instabilité aux conséquences très graves. Mon rêve, tout  comme celui des Algériens de vivre fraternellement en paix dans notre pays, après les affres de la guerre, devenait un cauchemar. Dans les chapitres qui vont suivre, j’essayerai de résumer les moments difficiles que j’ais vécu durant ce long cauchemar.

 

                            

 

                                  

                                 CHAPITRE III : L’INDEPENDENCE ET SES DEBOIRES :

 

1) UN PAS DANS L’INCONU :

 

           Tout d’abord, il convient de rappeler que le nouvel Etat Algérien qui venait de naitre dans la douleur, se devait de démarrer à zéro : les caisses étaient vides, l’administration paralysée du fait de la désertion de ses fonctionnaires, et… Cette situation à emmenée Ahmed Ben Bella qui venait de prendre la tête du bureau politique du FLN autoproclamé, à créer  un Fonds National de Solidarité (FNS). Il lança un appel au peuple pour alimenter ce Fonds. On venait d’assister à un élan de solidarité sans précédant. Malgré leur dénouement, les algériens qui ont supportés le poids d’une guerre destructrice que la France nous à imposée durant plus de sept longues années, n’ont pas manqué de répondre présents. Les hommes y ont participés, chacun selon ses moyens, sachant qu’ils étaient eux même dans le besoin. Il en était de même des femmes qui ont données leurs précieux bijoux, sans hésitation.

             Quand aux militaires, une quête fut organisée au niveau des régions militaires. En ce qui me concerne, ma participation à été de 13.000 fracs anciens, (voir reçu ci-dessous).

           Je venais de sortir de l’adolescence, mais  forgé par cette grande révolution que le peuple Algérien venait de mener contre une grande puissance mondiale. Je ne fus qu’un petit s/Lieutenant que le hasard à voulu que je sois témoin de quelques situations, le moins qu’on puisse dire, assez délicates. A cet effet, je peux affirmer sans exagération aucune, que les moments vécu durant cette période, ont été plus difficiles pour moi, que ceux endurés pendant les cinq années que j’ais passées au maquis à combattre les soldats Français pour libérer notre pays.

           Ma compagnie était stationnée sur le territoire de la sous/préfecture de Bordj Ménail (voir chapitre I, point 8 précédant). Célibataire et sentant le besoin de fonder mon foyer, j’avais demandé à monsieur le sous/préfet de cette localité, l’attribution d’un logement. A cette époque, on n’à pas connu la pénurie de logements, au contraire il y avait le chois entre les villas et les appartements abandonnés par leurs propriétaires européens rapatriés en France. Ma demande fut acceptée et on m’à attribué une villa dans la ville des Issers, commune de Bordj-Ménail. Aussitôt, j’ai ramené ma famille (mes deux parents et quatre jeunes frères) résidant à Ait Hamsi (Akbil-Ain El Hammam). Je dois rappeler à cette occasion que notre maison familiale, exigu d’ailleurs, abritait deux familles des villages voisins (Ait Mislain et Ait Ouabane), évacuées par l’armée Française. Il faut imaginer l’état dans lequel se trouvait cette maison au lendemain de l’indépendance.

            Cette villa toute neuve qui venait d’être achevée de construction, n’à pas encore été habitée par son propriétaire, ne contenait aucun meuble. J’y avais célébré mon mariage en 1963, avant de déménager à Alger-plage, en 1964. Ce déménagement m’a été imposé du fait de la dissidence de la 7ème région militaire dont je faisais partie ; dissidence rendue inévitable de par les agissements du clan d’Oujda et son support, l’armée des frontières. Les détails de ses événements suivront ci-après.

            De profonds désaccords étaient apparus au grand jour au sein du CNRA, à l’ occasion du congrès de Tripoli. C’est ainsi qu’on ne tardera pas à connaître la détérioration de la vie politique et publique du pays. De nombreuses démissions furent enregistrées dans les milieux dirigeants:

      - Mohamed khider, chef du bureau politique du FLN, remplacé par Ahmed ben Bella, désigné.

      - Ferhat Abbas, président de l’assemblée nationale, remplacé par Hadj ben alla, désigné.

      - Hocine ait Ahmed, député à l’assemblée nationale, à lui aussi démissionné en affichant son opposition à la politique de Ben Bella.

            Dés lors que le groupe d’Oujda était définitivement assis sur le trône et  pris le pouvoir sans partage; Ben Bella, chef du gouvernement et chef du bureau politique du FLN, était candidat unique aux élections à la présidence de la république. Il fut élu le mois de septembre 1963, à une majorité « écrasante » de 99,99 %, selon les résultats communiqués par le bureau politique du FLN. Le colonel Houari Boumediene devenait alors, ministre de la défense nationale.

 

2)  LA DISCIDENCE DE LA 7éme REGION MILITAIRE :

 

          Hocine ait Ahmed ayant quitté son siège à l’assemblée nationale, s’est rendu en Kabylie dans le but évidant de s’opposer aux tenants du pouvoir. Il à rencontré le colonel si Mohand Oulhadj, ex chef de la wilaya III et commandant de la 7ème région militaire, à Tizi Ouzou. Les deux parties s’étaient concertées pour une éventuelle création d’un parti politique d’opposition. Avant de prendre une décision,  le colonel Si Mohand Oulhadj avait réuni tous les officiers de la wilaya III historique, pour une concertation, réunion a laquelle j’ai participé. A l’issue  de celle-ci, une décision fut prise à l’unanimité pour rentrer dans l’opposition, aux cotés de Hocine ait Ahmed. Il fut créer alors, le parti dénommé ; Front des Forces Socialiste (FFS). En conséquence de quoi, toutes les unités de la 7ème région militaire ont désertés leurs casernes pour reprendre le chemin des maquis, derrière le colonel Akli Mohand Oulhadj.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(Photo à droite ; Ait Ahmed Hocine, député démissionnaire, Yahi Abdelhafidh et le colonel Akli Mohand Oulhadj, chef de la 7éme RM. Photo à droite : colonel Mohand Oulhadj)

 

           Au PC de la région il ne restait que quelques éléments venus des frontières, à l’exemple du commandant Zerguini, du  capitaine Abbas Ghéziel et autres instructeurs, d’ailleurs peu nombreux, venus des frontières.

           La Kabylie dans toutes ses composantes, civiles et militaires, est maintenant rentrée dans une insurrection. Sans la moindre tentative de dialogue, les hommes du pouvoir ont pris de graves décisions à savoir :

         a) la dissolution de la 7ème région militaire et l’annexion de ce qui y restait au commandement de la 1ier région, implantée à Blida dont le chef était le commandant Saïd Abid.                                                                                                

         b) rechercher et combattre par les armes les unités dissidentes de la 7ème région militaire.                                               

          Sans tarder, les mesures rappelées ci-dessus, avaient été mises à exécution. A cet effet, des bataillons de l’armée des frontières, formés pendant la guerre de libération nationale sur le sol tunisien (camps de Méllag et de Ghardimaou), qui devaient normalement combattre l’ennemi Français et ce n’était pas le cas, ont pris d’assaut la Kabylie. Ils avaient d’abord occupés les casernes vidées par nos unités et entreprirent en suite des opérations de ratissages dans des villages, à la recherche des insurgés, tout en exerçant des actes d’intimidations et autres sévices à l’encontre les populations civiles, dignes des méthodes exercées par l’armée Française, il n’y avait pas si longtemps. En réalité, ces bataillons de « l’ANP » n’ayant aucune expérience sur le terrain, ne pouvaient rien contre des groupes forgés par plus de sept ans de la guerre de libération. A nos yeux, s’était une démonstration de force  dans le but évidant d’intimider les populations déjà traumatisées par les violences de l’armée Française.

           C’est ainsi qu’à peine quinze mois d’indépendance, la Kabylie qui n’a pas finis de penser ses blessures et effacer les séquelles laissées par cette guerre impitoyable, en particulier l’opération jumelle qui s’étendait de juillet 1959 jusqu’au cessez-le feu en 1962, est de nouveau, le théâtre des opérations militaires. Des affrontements ont été enregistrés dans plusieurs coins de cette terre martyrisée, entraînant des pertes en vies humaines de part et d’autres. Des dépassements sur les populations, de la part des éléments de l’ANP, ont été signalés çà et là.

             A ce moment précis, il circulait des informations selon lesquels l’armée du Maroc voisin, profitant de notre vulnérabilité, venait d’envahir nos frontières et occuper une partie de notre territoire à l’Ouest. D’autres rumeurs laissaient entendre que cette invasion Marocaine a été provoquée par les autorités algériennes pour ramener les dissidents de  l’ex-Wilaya III à rentrer dans les rangs. A mon sens, ces événements avaient été l’élément déclenchant pour le rapprochement entre Ben Bella et les principaux responsables de l’insurrection; MM  Ait Ahmed et Si Mohand Oulhadj, pour  une éventuelle réconciliation.

          La situation du pays était très grave. Le président Ben Bella ainsi que quelques révolutionnaires bien connus dont Si Omar Ouamrane, avaient fait un appel, par la voie de la radio d’Alger, à Si Mohand Oulhadj ainsi qu’à tous les moudjahidin de l’ex-wilaya III, les invitant à se diriger vers les frontières du Sud-ouest pour combattre l’invasion Marocaine.  

           Devant cette nouvelle situation, le colonel Si Mohand Oulhadj, auquel on à prêté un  surnom qui lui va bien, Amghar (le sage), avait prit le soin de consulter tous les officiers de l’ex-Wilaya III, à l’effet de prendre  les décisions qui s’imposaient, en rapport avec les nouveaux évènements. Cette réunion s’étant déroulée sans la présence d’Ait Ahmed, à été pour nous l’occasion de discuter de plusieurs questions qui nous tenaient à cœur. Il s’agissait notamment d’une tentative d’introduction au sein de nos unités, d’éléments civils inconnus, qui auraient été imposés par Ait Ahmed. Leur mission étant de prendre le commandement de celles-ci, en notre lieu et place, ce que nous avions tous rejetés.

           Cet incident n’à pas manquée de provoquer un mécontentement général et susciter un climat de méfiance au sein de nos unités, dont la majorité des personnels ne croyait plus aux hommes politiques habitués à dire des choses et faire leurs contraires. D’ailleurs nous n’arrivions pas à comprendre comment des civils inexpérimentés, puissent-ils prendre le commandement des unités préparées à être engagés dans des combats.

           Ces aspects étant longuement discutés, la grande majorité des présents étaient favorables à se rendre aux frontières du Sud-ouest pour affronter en priorité, l’ennemi extérieur qui menaçait d’occuper une partie de notre territoire pour lequel des milliers de martyres étaient tombés au champ d’honneur. Sur ce, il a été décidé d’aller aux frontières et tous étaient volontaires pour défendre notre pays menacé de l’extérieur.

          Fort de la confiance d’ont lui ont témoignés tous les Officiers sous son commandement, le Colonel Mohand Oulhadj s’est concerté avec Hocine Ait Ahmed et les deux hommes s’étaient mis d’accord pour une entrevue avec Ben Bella. Pendant quelques jours de pourparlers, les négociateurs étaient parvenus à un accord avec la présidence sous conditions, parmi les quelles je peu citer :

          a) la tenue d’un congrée national auquel participeront tous les responsables de la révolution sans distinction, pour décider collégialement de  l’avenir politique du pays et de l’organisation d’un état démocratique conforme à l’esprit de la déclaration du 1er novembre 54 et de la plateforme du congrès de la Soummam du 20 Aout 1956.

          b) le retrait des troupes de l’ANP des territoires de la Kabylie.

          c) la réintégration dans leurs casernes, des unités de la 7ème région militaire et la préservation de leurs droits.

          Ces conditions acceptées, un accord fut conclu sans tarder. Mais, au lendemain de cette entente, Ait Ahmed avait fait une déclaration à la presse étrangère, qu’il allait continuer les hostilités. Nous ne comprenions pas ce revirement, dont nous ignorons les dessous. Cependant, à partir de ce moment, une cassure c’était produite entre ce dernier et le Colonel Mohand Olhadj, y compris avec la presque totalité des éléments de l’ex-Wilaya III.

          Après le retrait des troupes de l’ANP, toutes les unités de la 7ème région militaire ont réintégrés leurs casernes. Plusieurs d’entre elles ont pris aussitôt la route vers les frontières Ouest. Le 3ém bataillon auquel j'appartenais a rejoint sa caserne de Dellys. Cependant, tous les civils partisans d’Ait Ahmed, ainsi que quelques compagnons d’armes, avaient choisis de rester au maquis, pour continuer les hostilités. Quand à nous qui avions pris la décision de combattre l’ennemi venu de l’extérieur, nous avions été traités par Ait Ahmed et ses quelques fidèles, de rendus, donc des traîtres, à leurs yeux. N’était-ce pas un drame? Nous verrons dans les paragraphes qui vont suivre, le résultat de ces positions divergentes et regrettables.

           Un autre appel radiophonique à été lancé par le présidant Ben Bella à la population pour se rendre aux frontières pour aider les militaires à repousser l’armée Marocaine. Selon le témoignage de certains compagnons, plusieurs citoyens étaient disparus dans le désert.

 

3) LA SUBVERSION DU FFS :

 

          Nous étions au début de l’année 1964, mon unité à été une nouvelle fois restructurée. Elle devenait le 63em bataillon et avait repris normalement ses activités, sous le commandement de la 1ier région militaire de Blida. Malheureusement, des éléments armés du FFS avaient repris leurs activités subversives contre l’autorité de l’Etat. Certains d’entre eux  activaient dans le secteur de Dellys, lieu d’implantation de mon Bataillon. Nos compagnies étaient ainsi contraintes à les poursuivre. Quel tragique destin !

          Néanmoins, tous les responsables du bataillon, chacun de son coté, n’a ménagé aucun effort pour les convaincre de cesser les hostilités, car en réalité, il était impensable qu’arrivera un jour ou les compagnons d’armes s’entretues. Arrivé à ce point en effet, cette indépendance si chèrement acquise n’avait pas de sens pour nous. Aussi, selon des informations qui  nous parvenaient d’Ain el Hammam (ex Michelet), des éléments de l’ANP stationnée dans cette localité et ayant pour mission la poursuite des hommes du FFS, auraient commis des dépassements sur la population locale.

            Pour mettre un terme à ces agissements, il à été sollicité au commandement de la 1ère région militaire, qui avait accepté, l’affectation au sein de l’unité concernée, d’un officier de l’ex-Wilaya III, connu dans la région. Le premier choix s’était porté sur moi-même. Cependant eu égard à mes fonctions d’officier d’administration, il n’a pas été possible de trouver un remplaçant. C’est pourquoi le dernier choix fut porté sur l’aspirant Yakoubi Yahia, élément natif du village Ait Daoud, région d’Ain el Hammam. Si Yahia Yakoubi, était un moudjahid très sage et connu des populations locales. Homme cultivé, il ne pouvait faire de mal à une mouche. Il n’avait jamais participé aux opérations de recherche, sa mission étant au contraire, la protection des civiles. Il assumait avec bienveillance sa mission, jusqu’au jour fatidique où il fut lâchement assassiné par un jeune du FFS. Après ce drame, nous qui étions déjà en désaccord sur la violence prônée par Ait Ahmed et ceux qui l’ont suivis, avions mesurés le faussé qui nous séparait.

           Ce malheureux événement nous à poussé à chercher une issue pour nous éloigner de notre cher Kabylie pour laquelle et pour toute l’Algérie, nous avions versé notre sang. Dieu soit loué, notre bataillon ne tardera pas à être muté à Ténès (Wilaya d’El Asnam, Chlef aujourd’hui). Il semblerait que le commandement de la 1ère Région Militaire ait pu réaliser qu’il fallait éviter la confrontation entre frères de combat.

 

4) LA TENUE DU TROISIEME CONGRES DU FLN :

 

           Au mois d’avril 1964, se tenait le 3ème congrès du FLN, après ceux de la Soummam en août 1956 et de Tripoli juste après l’indépendance, dont la séance reste ouverte, faute d’un consensus. Avec la tenue de ce congrès, le présidant Ben Bella à donc respecté ses engagements pris envers le colonel Mohand Oulhadj et Ait Ahmed. Ce dernier ne reconnaissant pas l’autorité de Ben Bella, campait toujours sur ses positions. Il ne tardera pas à être arrêter et mis en prison d’El-Harrach.

            Le colonel Chabani, chef de la wilaya VI, était lui aussi entré en dissidence dans le sud du pays. On entendait dire qu’il était de connivence avec les responsables de l’insurrection de la wilaya III. Pourtant, il à rejoint au départ, le groupe d’Oujda et était le bras droit de Ben Bella. Son indiscipline vis-à-vis de Ben Bella, l’à rendue indésirable au groupe. Il   ne tardera pas à être arrêté et jugé immédiatement par un tribunal spécial qui le condamna à mort et exécuté sans tarder. Selon des informations, plusieurs personnalités auraient sollicité vainement, au présidant Ben Bella de le gracier. Ce dernier à au contraire, exigé son exécution immédiate, ce qui n’a pas manqué de susciter une indignation dans les rangs des moudjahidin de la Wilaya III.

        A cette époque précisément, le colonel Houari Boumediene, ministre de la défense nationale, s’était rendu discrètement à Tizi Ouzou, pour une réunion avec les officiers de l’ex 7ème région militaire. Cette réunion à laquelle j’avais assisté, s’est tenue dans la caserne d’El Bordj.  Dans son discours d’orientation, il n’à pas manqué d’exprimer son mécontentement sur notre rébellion, tout en affichant sa compréhension et sa reconnaissance du bien fondé de notre action. Il reprochait seulement à la 7ème région d’avoir agit en solitaire. C’était comme s’il voulait nous dire qu’en agissant ensemble, la cause serait mieux entendue, tout en insistant sur la nécessité de rester unis au sein de l’ANP. Il a également rappelé que seule l’armée unie et organisée pourrait sauver le pays du chaos. Il a ainsi reconnu les dérives du régime tout en réitérant son soutien au présidant Ahmed Ben Bella.

             Le présidant Ben Bella fondait son idéologie sur le panarabisme de Djamel Abdo-Nasser et préconisait le socialisme chinois comme choix économique. Il portait souvent le costume chinois et avait une forte  ressemblance au présidant de ce pays, Mao Tsé Toung. Notre présidant, au lieu de porter la tenue traditionnelle Algérienne, ou à défaut, le costume universel, imitait les traditions étrangères à notre propre culture.

             Par ailleurs et conséquemment aux départs massifs des européens,  il fallait combler  le vide qu’ils ont laissé dans toutes les institutions de l’Etat, l’enseignement en particulier. Pour ce faire, notre premier présidant a ouvert les portes aux enseignants des pays du Moyen Orient, dans le but d’arabiser en profondeur, notre pays. On y trouve des syriens, des irakiens, des palestiniens, le gros de la troupe étant des égyptiens. A propos de ces derniers, on disait même que parmi eux, certains enseignants étaient des cordonniers. En s’adressant aux algériens, ils leurs répétaient la célèbre phrase « El Djzair, takfina ou takfikoum » ; comprendre que les richesses de l’Algérie suffiraient d’abord aux égyptiens, et aux Algériens, les restes.

            Vers la fin de l’année 1964, un calme précaire était revenu en Kabylie, après que les troupes de la 7ème région militaire (ex willaya III) eurent quitté les maquis pour rentrer dans leurs casernes. Cependant, le parti du FFS étant interdit de faire de la politique, activait dans la clandestinité et ses éléments armés continuaient à mener des actions de subversion.

 

5) LE COUP D’ETAT DU 19 JUIN 1965    :

(ou le redressement révolutionnaire)

 

             Des malentendus étaient apparents dans les milieux du pouvoir en place, le président de la république à, à maintes fois opéré des changements de ministres sans toucher à Boumediene, même s’il n’avait plus confiance en lui. Il ne pouvait pas s’en prendre à lui étant donné qu’il était le chef d’une armée qu’il à lui-même préparer avant l’indépendance depuis les frontières, pour la prise du pouvoir le moment venu. Ce moment est peut être arrivé car, le fossé qui séparait deux hommes les plus forts du pouvoir, ne cessait de s’élargir, mais chacun activait de son coté. Boumediene se consacrait sérieusement à l’organisation de l’armée et à sa modernisation, car il savait pertinemment que l’arrivée au pouvoir ne pouvait se réalisée sans l’appui de l’ANP.  Quand à Ben Bella qui ne pouvait plus compter sur une armée commandée par son adversaire, décida la création d’une milice populaire apte, selon lui, à « préserver les acquis de la révolution », terme qu’il ne cessait pas de répéter au cours de ses discours.

             En effet, des milices dites « populaires » ont vu le jour et structurées sous l’égide du parti du FLN, à travers le territoire national. Chaque Kasma du parti disposait d’un groupe de vingt miliciens environ et équipé d’armement léger. Ces derniers étaient commandés par les chefs de Kasma au niveau communal, en relation avec les coordinateurs des fédérations du FLN au niveau wilaya. Cette force de sécurité parallèle assumait à la fois, les fonctions de policiers, de gendarmes et de l’armée. Ils opéraient même des ratissages à l’intérieur des forêts, à la recherche des éléments du FFS, au lieu et place de l’ANP. Au climat d’insécurité qui régnait dans le pays, s’ajoutait un désordre sans précédent, du fait de la création de ces milices.                                          

             L’évasion d’Ait Ahmed de la prison d’El Harrach en ce moment précis, renforçait le climat de suspicion qui prévalait déjà dans les milieux du pouvoir. Une rumeur selon laquelle cette évasion était commanditée par des cercles du pouvoir, circulait à travers le pays. Malgré l’ingérence des milices du FLN, des unités de  l’ex 7ème région militaire, après leur intégration à la 1ère région militaire, continuaient de monter des opérations  à l’encontre des éléments du FFS.

             A cette époque notre bataillon était implanté à Dellys ; sa compétence territoriale s’étendait sur l’ensemble de la fédération FLN de Bordj Menail, dont dépendait la Kasma de Dellys. Il participait lui aussi aux opérations de recherches contre les éléments armés du FFS, lesquels, Dieu merci, n’ont été accrochés à aucun moment, par nos unités.

             Au début du mois de mars 1965, je rentrais à l’école militaire d’administration de Beaulieu à El-Harrach, pour y effectuer un stage d’officier d’administration des corps de troupe. Cette Ecole fut dirigée par le commandant Bouras, lui aussi était issu de l’armée française. Voir ci-dessous, l’attestation de stage de l’Ecole militaire de l’administration des corps de troupe.

            Pour des raisons que nous ignorons, la durée de notre formation a été écourtée. Je rejoignis alors mon bataillon à Dellys au mois de juin. Quelques jours plus tard, notre  chef du bataillon, le Lieutenant Hachour Mohand Ouradan fût convoqué au PC de la 1ier région militaire à Blida pour une réunion de travaille. A cette réunion qui sortait de l’ordinaire, assistait l’ensemble des chefs de bataillons de la 1ier région militaire. A la fin de cette mission extraordinaire, notre chef de bataillon, Hachour Mohand Ouramdan, m’a confié ce qui suit : « La réunion a duré plusieurs jours, et qu’elle était présidée, tantôt par le commandant Saïd Abid, chef de région, tantôt par son chef d’état major, le capitaine Mokhtar Kerkeb.

            On parlait de tout ce qui à trait a l’organisation des unités, a leur dotation en matériels et sa maintenance ainsi que de l’instruction. Tout au long de la réunion, le quartier était consigné. Personne parmi ces cadres n’avait droit de sortir en ville, voir son unité et encore moins, rendre visite à sa famille.           

           Selon toujours les dires de notre chef de bataillon, le 18 juin, soit le dernier jour de la réunion, celle-ci fut présidée par le colonel Houari Boumediene, ministre de la défense nationale. L’assistance a été surprise par l’arrivée inattendue de ce dernier. Après avoir ouvert la séance, le ministre précisera le but de la réunion. Il disait clairement que la situation du pays était chaotique et que Ben Bella s’étant accaparé de tous les pouvoirs et  entraîné le pays à la dérive, doit être relevé, ajoutant que le jour est venu  pour que l’ANP, héritière de l’ALN, prenne ses responsabilités historiques pour redresser la situation. Il a ensuite annoncé la création d’un conseil de la révolution composé d’authentiques révolutionnaires à même de prendre en charge les destinées du pays et d’assurer la continuité de la révolution dans la voie du socialisme.

            A la fin de son discours, il a invité l’assistance à se prononcer pour ou contre le renversement de Ben Bella. Il à précisé enfin, que celui qui n’est pas d’accord peut se retirer sur le champ, exigeant de lui de se mettre tout simplement à l’écart en l’assurant qu’il ne sera pas inquiété. La réponse à été unanime pour le renversement de Ben Bella. Maintenant qu’il s’est assuré de l’appui total des officiers de la première région militaire, Boumediene rentrera sur Alger. Les officiers concernés étaient mobilisés à Blida pour se préparer à l’aventure qui aura lieu dans quelques heures.

             Le soir venu, les camions et équipements des compagnies nationales de sécurité (CNS), étaient déjà en place, au quartier de la 1ier région, dans l’attente d’être pris en charge par les officiers réunis avec Boumediene tout au long de la journée. Vêtus de l’uniforme des CNS et portant leur armement, nos officiers montèrent sur les véhicules des CNS et prirent la route de la villa Joly. Au moment de la relève des gardiens, vers 20 heures et grâce à la complicité d’un chef de poste, les gardiens CNS furent relevés comme accoutumé, mais cette fois, par des éléments étrangers a ce corps. Cette délicate opération fut une réussite totale. Pendant ce temps, les chars se dirigeaient vers Alger pour prendre les points stratégiques : la RTA, la grande poste et le siège du parti du FLN, notamment. Vers minuit, le président Ben Bella fut arrêté et emmené vers une destination inconnue. Dieu merci, cette action s’est passée sans effusion de sang ». A l’aube de ce 19 juin 1965, notre chef de bataillon et son adjoint rejoignirent le bataillon à Dellys, encore vêtus de l’uniforme des CNS. Aussi tôt arrivé, ils ordonnèrent aux chefs de compagnies de se tenir en état d’alerte et de procéder immédiatement au rassemblement de la troupe. Quoi que nous fussions déjà en état d’alerte du fait des événements du FFS depuis des mois, nous avions été surpris du rassemblement à cette heure de la matinée.

              Le chef du bataillon à fait part de l’événement à l’ensemble de la troupe en précisant que nous nous trouvions devant une situation exceptionnelle. Il à annoncé que nous avons reçus l’ordre d’occuper tous les commissariats de police ainsi que les Kasma du parti FLN, dans le but de désarmer leurs éléments (policiers et miliciens). Avant même la levée du soleil, les institutions concernées furent encerclées et la mission accomplie  dans le calme et sans incidents. Les miliciens étant placés sous l’autorité de la fédération FLN de la daïra de Bordj Menail, il à été demandé à cette dernière de nous fournir la liste nominative les concernant ainsi que le model et le matricule de leurs armes, ce qui fut fait (voir annexe X).

              Le lendemain, une déclaration faite à la RTA, annonçait la création  d’un conseil de la révolution présidé par le colonel Houari Boumediene, ministre de la défense nationale. Dans un discours qu’il a prononcé a cette occasion, Boumediene parlait d’un redressement révolutionnaire. En ce qui nous concerne, on ne tardera pas à rendre à la police, leurs armes, quant au corps de la milice, il a été dissous.

              Quelques mois après cet événement, soit vers la fin de l’année 1965, notre vœu était exaucé, à savoir notre mutation en dehors de la Kabylie.  Le commandement de la 1ère région militaire avait décidé l’affectation de notre Bataillon à la garnison de Ténès (Wilaya de Chleff). Nous avions poussés un ouf de soulagement.

 

6) DETENTE PREQUAIRE :

 

              En 1967, la guerre entre l’Egypte et Israël faisait rage. Les troupes de l’ANP y étaient engagées et selon les informations qui nous parvenaient du front, nos unités avaient pris  position aux premiers rangs. Le Capitaine Bachiri Mahmoud, chef du bataillon auquel j’appartenais avant seulement quelques semaines, m’a envoyé du Sinaï, une carte postale où figurait un palmier. Sur cette carte, que j’ais malheureusement perdu, il m’a indiqué que son unité est positionnée dans une tranchée quelque part dans ce désert du Sinaï et que son PC se trouvait enterrer  sous ce palmier.

               La tension montait au sein des milieux politiques du pays, n’hésitant pas à proférer à l’encontre  des américains impérialistes, toutes sortes d’injures. A Ténès, le moral de nos djounoud était des plus élevé pour s’être éloignés des problèmes de la Kabylie.

               Après avoir retrouvé momentanément un semblant de stabilité, notre Bataillon venait d’être mis en alerte maximum du fait de la menace de la 6ème flotte Américaine, dont un sous-marin a pénétré le port de la petite ville de Ténès. Le commandement de  la 1ère région militaire informé, nous à signifier de ne pas répondre à la provocation. Nous n’avons pas cessé de surveiller les mouvements de ce navire de guerre Américain, jusqu'au moment où il quittait le port pour une destination inconnue. Cette situation à durée quelques heures, mais l’état d’alerte n’a été levée qu’après plusieurs jours.

(De G. à D. : S/Lieutenant Ounnar Mohamed, dit Moh N’sergent (chef de Cie) - S/Lieutenant Ouzrourou Salah (Officier d’administration) S/Lieutenant Ferah Arezki (chef de Cie) (En tenue de sortie, S/Lieutenant Ouzrourou Salah) Ces photos ont été prises en 1965 à Ténès).

           

           Hormis l’incident du port, nous avions tout de même bénéficiés d’une certaine relaxe. De temps à autre, à la tombée de la nuit, nous sortions à trois officiers, montés sur une Land-Rover, prendre la route vers El Marsa, à l’Ouest de la ville de Ténès, pour chasser du lièvre. Le chauffeur, c’était moi, les tireurs s’étaient Hachour Mohand Ouramdan, chef de bataillon et Oumar Mohamed, dit si Moh n’Sargent, chef de compagnie. La route pullulait de lièvres et c’étaient des proies très faciles dans l’obscurité. Au contacte du projecteur, le lièvre s’arrête et le chasseur prend tout son temps pour atteindre sa cible.

             Nous ne tardions pas à être mutés encore une fois à la garnison d’El Asnam (Chleff). Aussi, dans le cadre de la réorganisation de l’ANP, notre unité à changé de numérotation, passant de 3ème au  63ème Bataillon. Tout comme il à été décidé le mouvement des chefs de bataillons. C’est ainsi que le lieutenant Hachour Mohand Ouramdan est muté ailleurs et fut remplacé par le lieutenant Hacini Mohamed.                                                                                                                                                         Par ailleurs, en plus des activités purement militaires, nous avions organisés des sales de classe pour dispenser des cours d’alphabétisation  aux djounoud ne sachant pas lire et écrire et améliorer le niveau d’instruction pour les autres. Pour ce faire, des enseignants en langue arabe nous ont été affectés par les responsables de l’éducation de la wilaya de Chleff, pour donner des cours à nos djounoud. Je reconnais que c’est ici que j’ai amélioré mon niveau d’instruction en langue arabe. Tout comme je dois affirmer humblement que moi aussi, j’avais une classe d’alphabétisation et que l’un de mes élèves Hadjam Hocine, secrétaire de compagnie, à passé avec succès l’examen du CEP organisé par la direction de l’éduction. « L’intéressé a tenu à me rappeler ce souvenir en 1980 à Bouira, alors qu’il était directeur de l’ERIAD et moi, son chef du personnel ». D’autres parts, l’université d’Alger a ouvert ses portes aux officiers ayant un certain niveau d’instruction pour améliorer leurs connaissances. Parmi eux, certains n’ayant pas la capacité pour suivre des cours à l’université, ont pu décrocher des licences en sciences sociales. Il faut noter ici que l’ANP nous a appris beaucoup de choses et que par conséquent, elle est une école, tout simplement.

               Néanmoins, ce climat de détente a été traversé par des moments de troubles. En effet, on a vécu une compagne d’intox selon laquelle les postes-clé au niveau du Ministère de la Défense Nationale, étaient entre les mains des ex-officiers de l’armée française, avec à leur tête, le colonel Chabou Abdelkader, secrétaire général du MDN, et que ces derniers allaient écarter de l’ANP tous les officiers de l’ALN. On ne cessait pas également de parler de l’épuration de l’armée. On se posait alors la question de savoir « qui épure qui ? ». La situation était confuse à tel point que le scénario du Wilaysme et l’ALN de l’intérieur d’un coté, et l’armée des frontières d’un autre coté, qui prévalait au lendemain du cesser le feu, était revenu à la surface.

               Cette politique de diviser pour régner avait été propagée dans nos rangs par les arabo-baathistes. Cette autre intox n’a pas manquée d’accentuer l’enté-berbérisme ambiant. A cela s’ajoutait la politique de l’arabisation imposée à tous les rouages de l’Etat sans la moindre préparation. Dans ce contexte, des Chaouias que j’ai côtoyés au sain de l’ANP, s’interdisaient de parler leur langue maternelle. Pourtant, chez eux  dans les Aurès, ils ne s’exprimaient que dans leur langue maternelle, leurs familles ne sachant pas parler l’arabe. Aussi, du fait que la langue Chaouie est proche de la langue Kabyle, mon père ayant vécu dans les Aurès, parlait correctement leur langue. Malgré tout, parmi les militaires d’origine Chaouie que j’ai côtoyé, j’ai pu discuter en langue berbère avec le capitaine Abbas Gheziel, chef du sous-groupement de Draa ben Khedda, 7ème RM, en 1964.

               Bravant l’interdiction de s’exprimer dans une langue autre que l’arabe, les Kabyles étaient hués ou ridiculisés lorsqu’ils parlaient leur langue maternelle. Pour nous les militaires, parler en Kabyle constituait parfois une faute dont la sanction peut être inscrite au dossier administratif.

               Par ailleurs, les officiers et sous-officiers issus de la wilaya III historique subissaient une discrimination dans les promotions aux grades supérieurs ainsi qu’au bénéfice d’une formation assurée pourtant à nos collègues des frontières. C’était à mon sens, le prix à payer pour notre désobéissance au pouvoir de fait, installé au lendemain de l’indépendance. Au fait, tous les événements rappelés ci-dessus, ne constituaient-ils pas les ingrédients ayant aboutis au printemps Berbère de l’année 1980 ?             

 

7) LA REBELLION DEU CHEF D’ETAT MAJOR :

 

               A quelques mois de la célébration de l’anniversaire du 1ier novembre 1967, notre bataillon fut désigné pour participer au défilé militaire qui avait lieu habituellement sur la route de l’ALN, ex-route moutonnière, prolongement du port vers El Harrach, Alger (RN 5). Des répétitions furent organisées sur la piste de l’aéroport d’El Asnam (Chleff), avec d’autres bataillons qui devaient, eux aussi, prendre part aux festivités.

              A la veille du 1er novembre donc, nous faisions mouvement sur Alger, pour  participer à cet événement de premier ordre, à l’époque. A 7 heures du matin, nous étions présents sur la route de l’ALN, prés à défiler. Nous attendions l’arrivée du chef d’état major, le colonel Tahar Zbiri, pour donner le coup d’envoi du défilé, comme accoutumer. A 9 heures, la tribune officielle érigée à cet effet, était déjà plaine de personnalités officielles, y compris les invités étrangers. Le colonel houari Boumediene, président du conseil de la révolution et ministre de la défense nationale, était lui aussi présent. Tan disque le colonel Tahar Zbiri qu’on attendait depuis des heures, n’était pas encore arrivé. Si l’on se référait aux années précédentes, le début des festivités avait lieu à 09 heures du matin. Cette fois-ci, ce n’était que vers 11 heures, que les festivités ont commencées, du fait de l’absence du chef d’état major. La parade à été exécutée sans problèmes et qu’à la fin des festivités, toutes les unités y ayant participées, devaient rejoint leurs garnisons.

              Nous avons maintenant la certitude, que ce qui n’était que rumeur, devenait réalité ; à savoir qu’un profond désaccord existait bel et bien entre le colonel Boumediene et son chef d’état-major, le colonel Tahar Zbiri. En effet, depuis quelques temps déjà, le chef d’état major s’est retiré au camp du lido où se trouvaient deux unités blindées. C’était l’étape qui a marquée ouvertement son désaccord avec Boumediene, dont l’un des motifs apparents était le maintien des ex-Officiers de l’armée française dans des postes de commandement. Une folle rumeur sur un coup d’état imminent, circulait à travers toutes les unités de la 1ier RM, donnant comme acteurs principaux, les unités blindées stationnées au lido. L’affectation, dans le même temps, de ces unités, l’une à Médéa, l’autre à El Asnam (Chleff), confirmait cette rumeur. Le bataillon de chars affecté à Chleff, s’était installé dans l’ancien champ d’aviation déclassé et distant de trois kilomètres du centre ville, lieu  d’implantation de mon bataillon d’infanterie.         

              Le colonel Tahar Zbiri ayant manifesté ouvertement sa dissidence, se réfugiait au sein de ce bataillon blindé commandé par son beau-frère, le lieutenant Houasnia Layachi. On  parlait de bouche à oreille sur la participation à se coup d’état, de nombreux officiers supérieurs bien connus pour leur influence sur la troupe, dont le directeur de l’académie militaire de Cherchell, Mohamed Salah Yahyaoui et le chef de la 1er région militaire de Blida, Saïd Abid.

              Pendant ce temps, la guerre contre Israël faisait rage au moyen Orient, où des unités de l’ANP étaient présentes en premières lignes. Après une année de présence au front du Sinaï, le commandement de la 1ier RM préparait la relève de ses unités. A cet effet, il fut constituée une brigade formée de plusieurs bataillons, dont les deux unités blindées installée à El Asnam et Médéa, les principaux acteurs de la dissidence et le mien, 63ém bataillon d’infanterie. Cette relève devrait s’effectuer en principe, juste après le défilé du 1ier novembre 1967, auquel ces mêmes unités ont participé.

               Nous venions justement de recevoir un message du commandement de la 1ère région militaire nous instruisant de faire bénéficier nos éléments d’une permission de détente de 15 jours avant le départ pour le Moyen Orient. Mais hélas ! les choses ne se passèrent pas comme prévu.

               C’était un jour de décembre 1967, mois de carême, nous avions remarqués un mouvement inhabituel au sein du bataillon blindé voisin et constatés la présence des commandants Tahar Zbiri et Amar mellah à El Asnam (Chleff). Vers dix  heures du matin, le chef du bataillon blindé, le lieutenant Houasnia Layachi, est rentré chez nous à la caserne, pour rencontrer notre chef de bataillon, le lieutenant Hacini Mohamed. Quelques instants après, ils étaient sortis à deux vers une destination que j’ignorais. D’habitudes, lorsqu’il s’absentait il m’informait de son absence, en ma qualité d’Officier d’administration, tout en me laissant des consignes s’il y a lieu. Aucunement, cette fois.

               Vu l’ampleur des événements, nous étions à l’affût du moindre renseignement et demeurions vigilants. Au vu des rumeurs incessantes qui circulaient ses jours-ci à propos d’un éventuel coup d’état préparé par le colonel Tahar Zbiri ainsi que des mouvements suspects visibles au grand jour, j’étais persuadé que cet instant était arrivé. Ma conviction était renforcée lorsque notre chef de bataillon sortait avec le lieutenant Layachi, sans me souffler un mot.  Son attitude à  renforcée mes soupçons sur son intention de participer à cette action, sans que personne de ses subordonnés ne soit informé. Etant fatigué de tous ses problèmes, qui ne devaient pas exister du reste, j’avais opté pour la neutralité.

             Devant la gravité de la situation, ma neutralité ne m’a pas empêchée de réfléchir sur la manière de s’en sortir avec de moindres frais. Le temps presse et il fallait  prendre une décision au plus vite. Pour ce faire, trois hypothèses se présentaient à moi :

             a) Laisser faire, donc se ranger du coté du bataillon de chars et marcher avec lui sur la capitale. C’était le souhait du chef d’état major, Tahar Zbiri et de son beau-fils, le lieutenant Houasnia Layachi, chef du Bataillonde chars.

             b) Dresser contre lui notre bataillon pour lui barrer la route d’Alger. Ne serait-il pas d’ailleurs un acte suicidaire d’opposer une unité d’infanterie ne disposant que d’un armement léger, contre un bataillon de chars ?

             c) Laisser une section de garde dans la garnison, et faire sortir le reste du bataillon en permission de quinze jours. Cette solution était possible du reste, grâce à un télégramme récent, parvenu de la 1ier RM nous ordonnant de faire bénéficier l’ensemble des personnels, de quinze jours de permission et ce, dans le cadre des préparatifs de la relève des unités se trouvant au moyen Orient.

               Ma décision fut portée sur la troisième hypothèse, évitant ainsi des combats fratricides. Vers onze heurs, les titres de permission furent établis et remis aux intéressés aussi vite que possible en les exhortant à sortir de la ville d’El Asnam sans tarder et avec tous les moyens de transport disponibles. A midi, le dernier djoundi sortait déjà de la caserne, y compris les officiers, à l’exception du s/lieutenant Tina Rabah, et du sous lieutenant Metidji Nacer, restés avec leur consentement, pour diriger la section de garde. Il était 13 heures, notre chef de bataillon venait de rentrer. Je devais l’informer de la sortie en permission de nos hommes, puis d’un air pressé, il me répondit qu’il fallait les retenir et annuler les permissions. J’ai répondu que s’était trop tard. Dans la précipitation, il est allé jusqu’à appeler la gare des chemins de fer pour faire descendre les militaires. Mais en vain, le train a quitté sa gare depuis déjà un bon moment.

              Soulagé du fait qu’aucun djoundi n’est retourné à la caserne, je baladais seul à l’intérieur de la caserne, puis rejoint par le s/Lieutenant  Rabah Tina, chef de compagnie et le Lieutenant Hacini Mohamed, chef de bataillon. On discutait de tout et de rien. Vers 15 heures, le lieutenant Houasnia Layachi, chef du bataillon des blindés, rentrait chez nous. S’adressant à notre chef, il lui disait « comment ça va ? ». Il lui répondait que notre unité est sortie en congé. Furieux, le chef des blindés claquant ses deux mains, monta sur sa 404 Peugeot et démarra à toutes allures.

              Vers 16 heures 30 m/m, le chef de la 1ier région militaire, le commandant Saïd Abid, et son chef d’état-major, le capitaine Mokhtar Kerkeb, informés certainement de ce que préparaient Tahar Zbiri avec le bataillon de chars, nous rendaient une visite inopinée. Après le salut d’usage, il ordonna au chef du bataillon de réunir les officiers pour une inspection ordinaire. Ce dernier lui répondit que les officiers présents, sont devant vous, le reste a bénéficié d’une permission de 15 jours. S’adressant à nous, le chef de région nous commanda de rester calmes et vigilants et de nous tenir prés à recevoir de nouvelles instructions. Il a rappelé également que ces événements ne sont que passagers et que tout rentrera dans l’ordre sous peu. Il à néanmoins ordonné a son chef d’état major, le capitaine Mokhtar Kerkeb, de rester a El Asnam (Chleff) avec nous, jusqu’à nouvel ordre.

             Aux environs de 17 heures, le commandant Saïd Abid reprenait la route avec son chauffeur, pour rejoindre le PC de la région, à Blida. Tan disque les officiers : Hacini Mohamed, chef de bataillon - Métidji Nacer, chef de Cie - Rabah Tina, chef de Cie et moi-même, officier d’administration, étions restés  dans la garnison, en compagnie de Mokhtar Kerkeb, chef d’état major de la 1ier RM. Quelques temps après, nous nous sommes tous rendus chez le commandant Slimani Slimane, chef du secteur militaire d’El Asnam et membre du conseil de la révolution, pour une concertation. Ce dernier à, sans tarder, pris son téléphone rouge pour appeler le président du conseil de la révolution, Houari Boumediene pour lui rendre compte de ce qui se passait dans son secteur. Tout de suite après, et par mesures de précautions, nous nous étions retirés de la caserne pour siroter un café dans la ville, en attendant de voir les choses plus clairement, une façon de se cacher, peut être ?

               Il s’était passé à peine une heure, après le départ du chef de région, que les chars du lieutenant Houasnia Layachi aient pénétrés la ville d’el Asnam (Chleff), en passant par notre caserne. La nuit tombée, nous rejoignîmes notre caserne nos éléments qui étaient de garde, nous ont informé que les chars étaient passés par là et leur chef cherchait après nous et semblait-il, pour  nous faire du mal, s’ils nous retrouvaient. Ils n’ont pas manqué aussi de faire un saut sur le groupement de la gendarmerie nationale pour les forcer a ce joindre à eux.

              La nuit tombée, nous trois Officiers du 63ème Bataillon fument rentrés dans notre caserne, tan disque  le chef d’état major de la 1ier RM et le commandant du secteur, s’étaient retirés au PC du même secteur, pour y passer la nuit. Pendant ce temps, l’adjudant Bourahla, responsable de l’administration du groupement de la gendarmerie nationale, s’était joint à nous. Il nous à affirmé qu’il à suffit de peu pour que les éléments du bataillon de chars en furie, ne commette l’irréparable, entendre par là, tirer sur les gendarmes. Aussi, d’après les informations rapportées par les mêmes gendarmes, les chars en mouvement vers Alger, ont écrasés sur leur route, trois véhicules légers avec leurs occupants, à la sortie de la ville de Chleff. Les victimes étaient méconnaissables.

             Très inquiets, nous passions une nuit blanche ; ne sachant pas la tournure que prendront les événements. Le lendemain matin, un message est parvenu du commandement de la 1ier RM nous annonçant le suicide du commandant Saïd Abid, chef de région. Nous apprenions également que seuls les bataillons de chars stationnés à Médéa et El Asnam avaient participé à ce mouvement.

              La progression des deux bataillons blindés, venus d’El Asnam et de Médéa, avait été stoppée par l’aviation militaire à la périphérie de la ville d’EL Afroune, pour le 1er et à la Chiffa, pour le second. Selon des informations non confirmées, les pertes en vies humaines n’étaient pas nombreuses. Le bataillon blindé de Médéa comptait dans ses effectifs des Officiers et S/Officiers, qui étaient avec moi au 3ème Bataillon de Dellys, avant notre mutation, chacun dans une autre unité. Ils étaient des Moudjahidin, rescapés de l’opération jumelle. Parmi eux, je me souviens encore de l’aspirant Si Mohamed Meziane et des adjudants : Hadjloum Saïd et Zoubiri Mohamed Tahar.

               Selon le témoignage de l’un d’eux que j’ai rencontré à sa sortie de prison, le gros des effectifs n’étaient pas mis au courant de ce mouvement, en précisant  qu’avant leur sortie de la caserne, leur chef  leur avait dit, lors d’un rassemblement, qu’ils allaient faire une manœuvre avec d’autres unités, pour  préparer la relève des unités présentes au moyen Orient. Surpris par les bombardements de l’aviation, ces éléments  ne cherchaient qu’à s’enfuir pour sortir du guet a pend et sauver leur peau. Enfin et d’après leurs dires, ils n’ont à aucun moment essayés de résister à l’arrivée des renforts des unités d’intervention.

               Pour ma part, je dois confirmer en effet, que leurs unités ainsi que mon propre bataillon, faisaient parti de la brigade qui venait d’être constituée pour relever les unités de l’ANP se trouvant depuis déjà plus d’une année au front du Sinaï (Egypte), contre Israël.

               Enfin, tous ceux qui ont participés à cette aventure qui à été préparée et exécutée à l’insu de beaucoup d’entre eux, notamment ceux cités précédemment, avaient été arrêtés, jugés et condamnés. Pour les moudjahidin, en plus de la condamnation à des peines de plusieurs années de prison, ils étaient dégradés et déchus de leurs droits acquis dans le cadre de la guerre de libération nationale. Cependant, ils seraient rétablis dans leurs droits, après plusieurs années de privation.

               Les premières retombées de ce malheureux évènement était la dissolution de cette même brigade qui se préparait à faire mouvement pour le moyen Orient. Cependant, les unités affectées au front du Sinaï (Egypte), devaient être remplacée par d’autres qu’il fallait reconstituer. A cet effet, un autre mouvement des officiers fut réalisé dans le courant du mois de mars 1968.  Notre chef de bataillon, le lieutenant Hacini Mohamed muté ailleurs et remplacé par le capitaine Sayed Layachi. A cette occasion, une passation de services avait été réalisée entre les responsables du bataillon. (Voir annexe  XI)

                En ce qui me concerne, après avoir arrêté tous les comptes et participé à la passation de services, avec les chefs rentrants et sortants du bataillon, je devais rendre compte au nouveau chef, sur la situation administrative du Bataillon. Pour ce faire, j’avais réunis les chefs de services concernés avec lesquels il fut passé en revue, la situation de chacun des services. A l’issue de cette réunion, un rapport détaillé fut élaboré et remis entre les mains du nouveau chef de Bataillon (voir annexe XII).

                A mon tour, je fus muté au mois de mai 1968 dans les mêmes fonctions au 31ème bataillon d’infanterie, dirigé par le capitaine Bachiri Mahmoud. Cette unité venait de s’installer à Médéa en remplacement du bataillon blindé dissout, pour avoir participé à la dissidence du chef de l’état major. On a mis à ma disposition un logement de fonction, c’était un chalet spacieux et situé au centre ville. Il ne se passait pas quelques semaines que j’ais dus déménager de la ville d’El Asnam. Cette fois, les unités pressenties pour le front du Sinaï (Egypte) devaient passer une visite médicale systématique pour éliminer les sujets peu aptes à affronter l’armée israélienne. Au cours de cette visite médicale, je fus déclaré inapte au service pour une deuxième fois, raison pour laquelle j’ais quitté le 31ème bataillon qui ne tardera pas à faire mouvement sur le Moyen Orient.

               Conséquemment à ma réforme, j’ai été muté au secteur militaire de Médéa en qualité d’adjoint du chef de secteur, dont le responsable était le capitaine Ali Boukhdir. Ce dernier est un moudjahid de la première heure et d’une sagesse exemplaire.

La  loi sur le service national venant d’être promulguée par le président Houari Boumediene, je ne tarderais pas à me voir confier une nouvelle mission, celle d’officier de recrutement au sein de la Wilaya du Titteri (Médéa).

 

8) AVENNEMENT DU SERVICE NATIONAL :

 

                En application de la loi sur le service national, le hasard à voulu que j’assure moi-même ma relève, avant de quitter l’ANP définitivement. Pour moi, c’était aussi une manière de passer le flambeau, puisque je me considérais jusqu’alors le serviteur de mon pays dont les objectifs de la révolution du 1er Novembre 1954 et du congrès de la Soummam de 1956, n’étaient pas encore atteints.

                En effet, en février 1969, j’avais été parmi les premiers officiers de  l’ANP à procéder au recrutement des premiers contingents de jeunes du service national. J’étais donc chargé par le commandement de la première région militaire de le représenter auprès de la commission de recrutement du département du Titteri (Médéa). Ce département le plus vaste du pays, après les Wilaya du sud, est composé des Wilayas actuelles de Médéa et de Djelfa ainsi qu’une grande partie des wilayas de Bouira et de Msila.

                Le premier ordre de mission (voir ci-dessous) m’a été délivré pour une semaine et renouvelé mensuellement a l’occasion de la présentation, par mes soins, d’un compte rendu au commandement de la 1ére région militaire.

              Pour la mise en application de cette loi, une commission départementale de recrutement fût instituée. Elle est scindée en deux : la commission d’appel, composée de : le Préfet (Wali), président - l’Officier représentant l’ANP, secrétaire - le Sous-préfet (Chef de Daïra) et le Maire, membres ; la commission  médicale, désignée par les autorités sanitaires.    

              Cette opération, a débutée dans le curant du mois de février 1969. Les citoyens  concernés par ce premier contingent, étaient ceux ayant 19 ans révolus et nés au cours du second trimestre de l’année 1949. S’agissant de la première expérience du genre dans notre pays, cette opération a bénéficiée d’une attention particulière de la part de toutes les administrations concernées. La commission siégeait dans les chefs lieu de sous préfectures (daïras) pendant les jours ouvrables. Un tableau numérique des jeunes concernés était établit par la préfecture et ventilé par arrondissements et communes. Un autre tableau faisant ressortir la composition de la commission médicale, était également  arrêté par les autorités médicales concernées, (voir annexe XIII).

              Vers la fin du mois  d’avril et pendant que je me trouvais en réunion a la commission d’appel dans la sous préfecture de Sour el Ghezlane, je fus surpris par l’arrivée d’un télégramme émanant de la 1ier région militaire, annonçant ma radiation des rangs de l’Armée Nationale Populaire, à compter du 1ier mai 1969 et ce, pour inaptitude physique. On me demanda également de rentrer au PC de la 1ier RM pour procéder aux passassions de services. Ce télégramme ayant transité par les services des transmissions de la préfecture de Médéa, a été acheminé par liaison a la daïra de Sour-el-Ghezlane et remis entre les mains du Préfet (Wali), monsieur Ahmed Bouderba. Ce dernier présent parmi nous en commission d’appel, était le premier à prendre connaissance du contenu, alors que nous étions en séance de travail. Il prit le soin de me remettre le télégramme en me souhaitant bonne chance. Il n’a pas manqué de me rassurer en m’affirmant qu’il avait besoin de moi au sein de l’administration préfectorale. Ebahi par cette nouvelle inattendue, je n’ai rien dis.  Cependant, monsieur le Préfet me rappela avec insistance, que le poste était prés et qu’il m’appartenait de me présenter chez lui, dés que j’aurais fini avec l’ANP. J’avais accepté sans réfléchir et sans lui demander de quel poste il s’agissait. En fin de journée, j’ai fais mes adieux à l’assistance et rentré chez moi.

             Le lendemain, je me présentais au PC de la 1ier RM à Blida. Je me suis d’abords rendu à la direction du service national pour la remise des derniers PV de la commission de recrutement (voir annexe XIV). Puis, ce fut au tour du colonel Abdallah Belhouchet, chef de la 1ère région militaire, de m’accorder un entretien d’adieux. Après m’avoir félicité pour les services rendus à l’ANP, ce dernier m’à assuré de l’attribution d’une pension de retraite, tout en me promettant de m’aider pour bénéficier éventuellement d’un prêt pour exercer une activité commerciale ou industrielle, dans le cadre des mesures prises par le gouvernement     en faveur des moudjahidin. J’avais demandé un temps de réflexion avant de répondre à l’offre du chef de région. Cette entrevue terminée, je me rendais à la direction des personnels pour retirer mon attestation de démobilisation (voir copie ci-dessous).

                                                CHAPITRE III : LA VIE CIVILE

 

 

1) LA DIFFICILE REINSERTION :

              Me voilà remis à la vie civile pour mon « inaptitude physique », invalide de la guerre de libération nationale au taux de 40 %. Ce taux à été fixé par une commission d’expertise instituée en 1967 pour statuer sur l’état physique des éléments devant intervenir au Moyen Orient, dont je faisais partie.

Cette mesure non conforme au règlement militaire, m’à laissé pensé que je fus victime d’une double injustice, sachant que :

        1ier –  le taux qui m’à été  attribué ne reflète en rien la gravité de mes blessures,

        2ème – en supposant que ce taux de 40% est en rapport avec mes blessures, je ne devrais pas être démobilisé d’office, au vue de la réglementation qui prévoyait le maintien en activité, des officiers dont le taux d’invalidité était égal ou inférieur à 40%, en les affectant dans les services auxiliaires. Des officiers trop bavards, ceux-là, et se trouvant dans la même situation que moi, avaient été réintégrés après de nombreuses démarches, y compris le piston.

          Quand à moi, mon orgueil ne pouvait pas me permettre de pleurnicher, ni de supplier quiconque, soit par pudeur ou par naïveté, soit les deux à la fois. Pour terminer avec l’Armée Nationale Populaire, j’ai crus bon d’afficher ci-après le dernier bulletin de solde de mon premier employeur (voir annexe XV). Aussi et après réflexion, j’avais refusé l’offre du chef de région pour une aide quelconque qui m’allait être attribuée dans le cadre de l’insertion des moudjahidin. Je ne pouvais pas accepter cette offre alléchante, pour la simple raison qu’elle était soumise à des conditions ; celles de m’associer a deux autres officiers qui m’étaient inconnus.

          Dans le même ordre d’idée, je dois rappeler qu’à ce jour de l’année 2015, le ministère des moudjahidin n’a pas cru devoir reconnaitre ma qualité de cadre de la nation. Pourtant les responsables de l’organisation des moudjahidin de la wilaya de Tizi-Ouzou m’ont confirmé que mon nom au grade d’Officier de l’ALN figurait bien sous le N° 224 dans le PV de la commission d’homologation de Tizi Ouzou, pour la wilaya III historique et envoyé à ce même ministère en son temps. Mon nom n’étant pas inscrit au registre des pensions du ministère des moudjahidin, puisque je relève du ministère de la défense nationale, y aurait-il un manque de coordination entre les deux ministères ? Pourtant, à chaque foi que de besoin, mon extrait de membre de l’ALN est établie par la Direction des Moudjahidin de la Wilaya de Tizi Ouzou, elle-même relevant du Ministère des Moudjahidin.

            Si le représentant de la Wilaya III historique auprès de la commission ministérielle de reconnaissance des cadres de la nation ne me connaissait pas personnellement pendant la révolution, possible, puisque notre Wilaya était trop vaste, ou alors il ne me connaissait pas parce qu’il ne sortait pas de son trou ? Possible également, était-ce de ma faute ? En tout état de cause, ce représentant de la Wilaya III historique auprès du Ministère, se devait de respecter le travail fait par la même commission locale, installée au niveau de la Wilaya de Tizi Ouzou. Dans le cas où cette dernière à faillit à son devoir, une commission d’enquête s’impose. Chez nous en Kabylie, tout le monde connait tout le monde. Néanmoins, un recours à été adressé au ministère des Moudjahidin et demeure sans réponse à ce jour.

             Il va sans dire que je n’ais jamais demandé cette reconnaissance, puisque ce grade m’a été décerné par mes frères de combat, à savoir le commandement de la Wilaya III, pendant la révolution et confirmé par le ministère de la défense nationale à compter du 1ér janvier 1963. Pourtant c’est au combat que j’ais acquis mon grade, non pas par les faveurs d’un ministère quelconque.

             J’ajoute que le ministère des moudjahidin avait déjà entrepris de recenser les officiers de l’ALN dés l’année 1973. La lettre du 22 janvier 1974 émanant de l’organisation des moudjahidin, (voir copie ci-après) datée de plus de 30 ans avant l’établissement du PV de la commission d’homologation de Tizi Ouzou, confirme, on ne peut mieux, ma qualité d’Officier de l’ALN, donc cadre de la nation au regard de la loi en vigueur.

               Enfin, parce que l’Administration de mon pays applique la politique de deux pois deux mesures, encore une fois, je n’ais pas recouvré mon droit. Peut être que mon tord est de ne pas avoir actionné de pistons ou usé des moyens de la corruption ?

              Ayant reçu l’éducation d’un milieu rural Kabyle dans mon enfance et forgé par la rigueur de la révolution et la discipline de l’ANP depuis mon adolescence, je ne pouvais pas me permettre d’utiliser ses moyens mesquins, même lorsqu'il s’agit de recouvrer mes droits.

2) MON EXPERIENCE DE MEDEA :

 

A - Dans l’administration publique,

         

         Le 02 mai 1969, j’ais été reçu par le préfet de Médéa, monsieur Ahmed Bouderba, dans son bureau. Il faut rappeler que ma  connaissance avec ce dernier remonte a quelques semaines seulement, à l’occasion de ma mission d’Officier de recrutement de la 1ère région militaire au sein de la commission de wilaya du Titteri, instituée à cet effet. Il m’a proposé  le poste de chef de service des biens vacants que j’ai accepté, sans hésitations.

         Comment le sera-t-il autrement, moi qui n’avais aucune expérience dans la vie civile ? Je lui ais fait remarqué cependant, que mon niveau d’instruction ne dépassait pas celui du certificat d’études primaires et que je n’avais pas d’expérience dans l’administration locale. Il m’a répondu, qu’il savait ce que je pourrais faire, pour la simple raison qu’il m’a vue à l’œuvre à l’occasion des travaux de la commission d’appel du service national. Sur ce, il appellera le secrétaire général pour me présenter à lui et l’à chargé de m’installer dans mes fonctions. Il m’a fait signer un procès verbal d’installation et m’a demandé de fournir un dossier administratif qu’il devait adresser aux services de la fonction publique pour approbation. Puis, ensemble, nous nous rendîmes au service concerné pour me présenter au personnel.

           Cependant, la fonction publique a rejeté mon dossier, au motif que je ne remplissais pas les conditions requises pour occuper ce poste (diplôme d’études supérieures). Sur intervention de monsieur le préfet, que je n’ais pas sollicité d’ailleurs, il à été entendu de me recruter en qualité de chef de service contractuel. (Voir ci-dessous, la décision de recrutement).

  C’était un service très difficile. Il fallait gérer des immeubles abandonnés par les européens au lendemain de l’indépendance, dont le plus grand nombre était occupé illégalement par des Algériens. Des situations qu’il fallait régulariser au cas par cas, vu leurs complexité. Leurs situation juridique et leurs diversités, à savoir : locaux commerciaux avec ou sans registre du commerce, locaux agricoles, habitations, autres villas et bâtiments. Bien que des efforts aient été fournis au lendemain de leur prise en charge par les services de la Wilaya, il n’en demeure pas moins que beaucoup restait à faire.

             Aussi, dans le but de me faciliter la tache, monsieur le Wali à bien voulu me donner la délégation de signature pour les documents se rapportant a la gestion du service (voir copie de l’arrêté du 28 août 1969 ci-dessous)

            Parallèlement à la gestion des immeubles rappelés ci-dessus, Mer le Wali à fait inscrire auprès du ministère des travaux publics et obtenu  l’enveloppe financière, pour la construction d’un programme de 60 logements de type traditionnel avec des matériaux locaux. Cette opération à été confiée à mes services qui disposaient d’une régie pour l’entretien des immeubles anciens. Le terrain d’assiette fut choisit au quartier de Ain Dhab (ex Damiette). C’était une première dans la wilaya du Titteri, (voir photos du chantier ci-après)

              Les moyens matériels dont nous disposions étaient limités à un petit dumper de chantier, une petite bétonnière, quelques brouettes, une citerne à eau, des pelles et des pioches. Cependant, la grande difficulté pour nous, était la rareté des matériaux de construction. Le conducteur des travaux, n’est autre qu’un ancien maçon, monsieur Hafri Mohamed, qu’on appelait aussi, l’architecte de la mosquée Ennour. Cette dernière était construite sous sa direction au lieu et place d’une ancienne église située sur la place Ettoute, au centre-ville de Médéa. C’était un chef d’œuvre, de son temps.

             En ce qui concerne notre projet, je dois reconnaitre que sa réalisation ne pouvait se concrétiser sans le précieux concours de Monsieur le Wali en personne et de la Direction des infrastructures et de l’Equipement (DIE) de la Wilaya. Aussi, la rareté des matériaux de construction m’avait contraint de faire plusieurs déplacements à l’extérieur de la Wilaya, à la recherche du ciment et de la bique, notamment. Néanmoins, une main d’œuvre qualifiée, heureusement disponibilité, n’est pas des moindres pour la réussite de ce projet.

             Malgré tout, après la réception de l’ouvrage, (voir photos ci-dessous), j’en avais tiré une grande satisfaction. A ma connaissance, il s’agissait de la première cité du genre à être construite dans la Wilaya du Titteri.

             Une autre satisfaction pour moi, c’était celle d’avoir bénéficier de l’une de ses belles maisons, étant donné que je devais rendre le logement de fonction à l’ANP. Enfin, en 1971 et suite à une mésentente avec le secrétaire général de la préfecture, j’ai déposé ma démission.      

 

B - Dans les activités libérales,

        

             Après cette autre expérience dans l’administration, je me suis reconverti au commerce. Je m’étais associé à monsieur Kesarli Mohamed, propriétaire d’un local à usage commercial situé sur la place Ettoute à coté de la mosquée Ennour. Ce local a été aménagé en café maure. Les étrangers à la ville de Médéa s’étonnaient que je puisse tenir un commerce dans cette ville, on disait que les Médéens étaient trop conservateurs et qu’aucun étranger à leur ville ne pouvait réussir à s’installer dans le commerce. Après deux ans d’activités en associer, je voulais être libre en m’installant à mon propre compte. J’avais donc ouvert une petite rôtisserie à Ain D’heb (Damiette), à la périphérie de la ville de Médéa.

Après toutes les situations difficiles que j’ai connues avant d’atterrir à Médéa, je doits reconnaitre que c’est ici que j’ai passé les meilleurs moments de ma vie. Je me suis même permis de m’associer à l’équipe sportive de foot-baal de cette localité, l’Olympique de Médéa (l’OM) en qualité de vise présidant du club. (Voir photo ci-dessous, debout, le premier à gauche)

             Ma dernière tentative de faire du commerce à Médéa s’étant soldée par un échec, je me suis retourné à la gestion des immeubles.

 

3) LA GESTION IMMOBILIERE :

 

A - La Compagnie immobilière Algérienne (CIA),

             

               Le premier poste qui me fut proposé en février 1974, c’était à la Compagnie Immobilière Algérienne (CIA). Son directeur général était monsieur Ait Mehdi Mohand Amokrane, dit Si Mokrane, un ancien compagnon du djihad, Commandant de la gendarmerie nationale et PDG de la société des lièges, avant d’être à la tête de la CIA.

              Lorsque, pour la première fois après l’indépendance, j’ai été le voir au siège de la compagnie, sis au boulevard Mohamed Belouizdad, c’était pour lui demander du travail. Sa réponse à été positive pour le poste d’adjoint au chef de l’agence de l’Est à Constantine. Ne trouvant pas d’autre alternative, j’ais du accepté. Il m’à notifié sur le champ la lettre d’engagement, ci-après insérée. Le lendemain, j’ai pris la route pour Constantine.

              J’ai donc pris mes nouvelles fonctions à Constantine et heureusement pour moi, je n’ais pas tardé à trouver un logement à la cité des Terrasses, quartier où fut installé le chantier de l’actuelle Université des Sciences Islamiques.

              Au cours de mon séjour à Constantine dont la durée ne dépassait pas les douze mois, une commission relevant du ministère des moudjahidine (musé national du moudjahid), m’avait sollicité pour lui remettre des documents et photos relatant les activités de l’ALN durant la révolution. Selon cette même commission, les documents en question seraient versés au fond des archives nationales et serviront à écrire l’histoire de la révolution.      

              Assoiffé de voir un jour, écrite la vraie histoire de mon pays, ma naïveté aidant, je ne pouvais pas refuser cette sollicitation. Les documents et photos, (dont accusé de réception ci-dessous) que j’ais confiés à cette commission, se distinguaient par trois agendas des années 1960 - 1961 et 1962, sur lesquelles étaient notées mes activités, quotidiennes (actions entreprises, accrochages avec l’ennemi, rencontres, réunions, avec dates et parfois même les horaires etc.…)

               Si ces agendas se trouveraient en ma possession, j’aurais écrit trois ouvrages. J’espère seulement que les historiens puissent y avoir accès ; peut être qu’ils y trouveront matière à écrire l’histoire de la révolution Algérienne. J’aurais ainsi apporté ma modeste contribution.

                Quelques mois après, le directeur général de la Compagnie Immobilière Algérienne (CIA), m’a informé par téléphone que le ministère des travaux publics m’avait sollicité pour me confier le poste d’administrateur provisoire des deux offices  HLM du département d’Annaba. Pour cela, j’avais demandé un temps de réflexion.

                Cependant, je n’ais pas tardé à être contacté téléphoniquement par le Wali d’Annaba, Mer Bouderba Ahmed, que j’ai eu l’honneur de connaitre à Médéa, pour me proposer ce poste. Avant de me décider, j’avais sollicité un entretien avec lui, cet entretien  ayant lieu dans le courant de la semaine suivante.           

                Connaissant les difficultés aux quelles étaient confrontés les responsables de ces organismes, que j’ais eu d’ailleurs l’occasion de rencontrer souvent, puisque nous activions dans le même domaine, j’avais fait part de mes craintes de ne pas réussir une mission dans laquelle ont échoué mes prédécesseurs. Lui-même connaissant mon niveau d’instruction, je lui ai rappelé que la seule formation dont j’ai pu bénéficier après l’indépendance, c’était dans le domaine de l’administration militaire. Il m’a répondu avec franchise, qu’il connaissait mes aptitudes professionnelles ainsi que mon honnêteté et qu’il comptait également sur mon courage pour affronter des situations difficiles, ajoutant que ses qualités sont le gage de ma réussite.

               Abordant la nature du travail qui m’attendait, il n’a pas manqué d’attirer mon attention sur le désordre qui régnait au sein de ces deux organismes, en ce cens que les milliers de logements à gérer, étaient squattés par des réfugiés algériens rentrés de Tunisie au lendemain du cesser le feu. Il m’a fait savoir en outre, qu’une partie était occupée par des moudjahidin. A la fin de notre entretien, il m’a rappelé que seul un officier de l’ALN est capable de maîtriser la situation. Enfin, il a tenu à m’assurer de son aide à chaque fois que de besoin et que ses portes m’étaient ouvertes à tout moment. Connaissant la personnalité de Si Ahmed Bouderba, étant lu même moudjahid et officier de l’ALN, j’ai accepté son offre tout en lui affirmant que je comptais beaucoup sur son aide.

 

B - L’OP-HLM D’ANNABA,

       

                En effet, de part mon expérience dans la gestion des biens vacants à la wilaya du Titteri, je savais que la tache qui m’attendait ne sera pas facile. Je savais également que je devais affronter des obstacles qui n’étaient pas du genre de ceux rencontrés dans la wilaya du Titteri, étant donné que je me trouverais face à des occupants qui étaient, pour la plupart, des réfugiés rentrés de Tunisie, voir des moudjahidin et d’autres éléments hauts placés et difficile a traiter. La plupart d’entre eux ne possédait pas de titre d’occupation ni ne s’acquittait d’un loyer. Pour eux, les locaux qu’ils occupaient étaient un butin de guerre qui leur revenait de droit et n’avaient donc, aucune obligation envers l’Etat. Je savais enfin que la tutelle m’avais confié se poste, non pas pour mes aptitudes professionnelles, vu mon niveau d’instruction, mais persuadé qu’un ancien moudjahid issu des rangs de l’ALN  puis de l’ANP, pouvait bénéficier du respect des occupants et aiderait à résoudre tous les problèmes posés. D’ailleurs, Mer Bouderba me l’a confirmé à l’occasion de notre entretien.

                Ayant accepté d’occuper ce poste, ma nomination fut concrétisée par arrêté N° 2927 du ministère des travaux publics en date du 16 octobre 1974 (voir copie ci-dessous) en qualité  d’administrateur provisoire des OPHLM de la wilaya d’Annaba.

              A ces deux offices HLM dont les conseils d’administration furent dissous par le ministère des travaux publics, s’ajoutaient six autres organismes immobiliers de statuts différents. Ces immeubles (appartements et villas), ont été cédés par leurs propriétaires européens a des Algériens, pour un pris dérisoire. En ce qui concerne les logements en copropriété, un certain nombre non vendu est laissé à l’abandon. Il s’agissait des ex-sociétés : société crédit immobilier d’Annaba - le toit collectif bônois - société Annaba habitat - société logis gaz - société logis Coop et le patrimoine coopératif bônois.

              Au lendemain de l’indépendance et conséquemment au départ imprévu et définitif des propriétaires initiaux, les prêts qu’ils avaient contractés auprès des banques n’étaient pas remboursés, ce qui constituait de fait, un contentieux. Devant cette situation,  l’Etat se voyait contraint de mettre sous sa protection les immeubles concernés et en confié la gestion à l’administrateur provisoire des OPHLM.

             Si la gestion des logements relevant des OPHLM, ne posait pas de gros problèmes, vu leur caractère locatif, il n’en demeure pas moins que la situation des autres immeubles (villas et autres logements en copropriété), était presque ingérable. En effet, certains des anciens gestionnaires de ces sociétés étaient en poste, mais ne pouvaient pas fonctionner normalement du fait des entraves qu’ils subissaient de toutes parts. Il va de soit que la gestion de ce patrimoine était encore plus complexe étant donné que les documents les régissant étaient stockés pêlemêle dans des caves, rendant ainsi leur exploitation si non impossible, difficile.

             Heureusement le cabinet de maître Ben Hamadi, notaire chez qui les contrats initiaux étaient rédigés, se trouvait toujours en place, ce qui nous a grandement facilité la reconstitution des dossiers. Aussi le règlement de cet épineux dossier relevant d’une décision politique, un plan de travail minutieusement élaboré avec la collaboration de Mer le Wali a été soumis au ministère des travaux public, notre tutelle, dont le porte-feuil était occupé par Mer Zaibek Abdeikader (premier ingénieur Algérien me disait-on).

             Après avoir longtemps hésité pour l’approuver, notre tutelle nous a finalement notifié son accord avec quelques petites modifications. Dés lors que nous avons reçu le feu vert, nous entreprîmes l’étude des dossiers au cas par cas. Les grandes lignes retenues pour l’assainissement de ce dossier consistaient à :

            a) Faire procéder par les services des domaines, a la réévaluation du prix des villas et appartements dont le montant compté en double sera acquitté par les occupants. Les sommes ainsi récupérées seront versées aux banques pour rembourser leurs créances.

            b) Confectionner de nouveaux actes notariés en fonction de ces éléments nouveaux et régulariser ainsi la situation administrative et financière de chaque occupant ayant  accepté ces mesures. Cette opération ne s’était pas réalisée sans difficultés, vu la conjoncture de l’époque.

            En ce qui concerne le patrimoine des OPHLM, du fait de la forte mobilité des locataires, due essentiellement à l’exode rurale vécu au lendemain de l’indépendance, les services de ces organismes étaient dépassés. Les locataires successifs se passaient les clefs des logements entre eux, sans passer par les services compétents des offices. D’ailleurs, le taux de recouvrement des loyers ne dépassait guère les 30 %. Pour remédier à cette situation, il nous a fallut mettre sur pied des brigades de recensement pour sillonner le vaste territoire de la wilaya d’Annaba, à l’effet d’identifier les occupants et de procéder à leurs régularisation, éventuellement.

            Avec beaucoup de patience et au prix de gros efforts, les relations entre nos services et les occupants, devenus des locataires réguliers, c’étaient normalisées. Ils s’étaient engagés à s’acquitter régulièrement de leur loyer mensuel et à verser une partie des arriérés. La situation financière s’étant nettement améliorée, les offices pouvaient alors faire face aux travaux d’entretien des immeubles dont certains étaient dans un état de vétusté très avancée et laissés pendant longtemps à l’abondant.

             Aussi, devant la demande croissante en matière d’habitat, vu que la ville d’Annaba disposait d’un grand pole industriel qu’est le complexe sidérurgique d’El-Hadjar notamment, notre wilaya à bénéficier d’un  programme de construction de nouveaux logements, financé par la CNEP. L’ordonnateur secondaire des nouveaux programmes d’habitat, était le Wali. Le choix des entreprises de réalisation et selon l’importance des marchés, relevait de la compétence des autorités de tutelles (ministère, wilaya), quant au suivi des chantiers, il relevait des prérogatives de la direction des infrastructures et de l’équipement (DIE), en collaboration avec mes services.

                Notre wilaya à bénéficiée d’un quota de 2090 logements. Le chois du terrain d’assiette s’est porté sur la plaine ouest, une terre agricole à haut rendement. Un appel d’offre national et international a été lancé et l’entreprise Allemande Béton Und Monierbau « BUM », a été retenue pour la construction de ces logements. Le contrat de réalisation étant rédigé par la direction de l’infrastructure et de l’équipement de la wilaya, est passé dans la forme réglementaire, après appel d’offres et les avis des services techniques compétents ainsi que  l’approbation du comité des marchés. Ce contrat avait été signé par le wali, en sa qualité d’ordonnateur secondaire de tous les programmes d’habitat nouveaux, comme stipulé par la réglementation. Cependant, la CNEP l’avait rejeté en exigeant la signature du directeur de l’OPHLM, au motif que les conventions de prêts passées avec elle, avait été signées par ce dernier. Toutes fois, en acceptant les exigences de la CNEP, le directeur de l’OPHLM est devenu un ordonnateur de fait. Il assure ainsi la gestion comptable et financière des logements en cours de réalisation et approuve les situations de travaux, après visa des services techniques de la Direction des Infrastructures et de l’Equipement (DIE), puis les transmet à l’organisme financier (CNEP) pour paiement.

              Dés l’achèvement des travaux, les logements étaient réceptionnés par la DIE, en présence des services de l’OP HLM. Ces logements sont alors pris en charge par notre organisme pour en assurer la gestion. Il ya lieu de souligner que leurs attributions aux citoyens relevaient de la seule compétence du wali.

C - L’OPGI D’ANNABA,

 

               Vers la fin de l’année 1976, le ministère des travaux publics avait décidé la réforme des structures de tous les organismes d’habitat par la mise en place des Offices de Promotion et de Gestion Immobilière (OPGI). Dans ce cadre, je fus désigné en qualité de directeur de l’OPGI de la nouvelle wilaya d’Annaba (voir décision du 18 décembre 1976 ci-dessous). C’était une opération plus complexe que les précédentes dans la mesure où la nature juridique des immeubles était diverse et les organismes gestionnaires  concernés pratiquaient des règles de gestion différentes. A cela s’ajoutaient les problèmes induits par le nouveau découpage administratif, dont la wilaya d’Annaba a éclaté en quatre collectivités.

Cette situation nouvelle à coïncidé avec l’arrivée d’un nouveau wali, en la personne de monsieur Ahmed Ali Ghazali, en remplacement de Si Ahmed Bouderba.

            Aussi, il va de soit que le patrimoine géré par nos organismes, devait être réparti sur plusieurs wilayas, à savoir : Annaba, Skikda, Tébessa et Guelma. Pour se faire, il fallait recenser chaque patrimoine susceptible d’être dévolu aux nouvelles Wilaya. A cet effet, il à été procéder à la mise à jour du fichier et des dossiers des locataires, arrêtés au 31 décembre 1976, pour leur prise en charge par les nouvelles wilayas concernées.

           Après ce travaille titanesque de mise à jour des fichiers et dossiers des locataires suivant le nouveau découpage administratif, j’ai fais part à monsieur le wali des difficultés rencontrées, notamment en ce qui concerne la gestion des ex-sociétés dissoutes, rappelées ci-dessus. Aussi, par lettre du 08 janvier 1977 (voir annexe XVI), monsieur le wali a tenu  informé le ministère des travaux publics et de la construction, sur les mesures prises par la wilaya dans le cadre des réformes des structures des organismes d’habitat. Quelques temps après soit, le 10 octobre 1977, j’ai adressé un rapport d’activité de l’OPGI au même ministère, retraçant les difficultés rencontrées dans la gestion (voir annexe XVII).

            A la fin du 1ier trimestre de l’année 1978, me sentant très fatigué, j’ai due déposer ma démission. Voulant me rapprocher de mes parents, fatigués des déménagements successifs du temps où ils cohabitaient avec moi, ils résidaient à Ait Hamsi (Ain el Hammam), j’avais décidé  de mettre le pied à terre à Bouira. A mon arrivé dans cette localité, j’ais appris par un heureux hasard, qu’un officier de l’ANP exerçant au secteur militaire de Bouira et habitant un logement de fonction à Draa el Bordj, venait d’être muter à Annaba. Sans tarder, j’avais pris contacte avec lui pour un éventuel échange de logement. Après que nous nous soyons mis d’accord, nous avions consulté le commandant du secteur militaire qui à bien voulu nos donner son accord. C’était une occasion inespérée, ma demande ayant été acceptée et les formalités d’usage accomplies, je n’avais pas tardé à déménager.

                    CHAPITRE IV - LE SECTEUR ECONOMIQUE :      

 

A- LA SN-SEMPAC,

 

               Après avoir fini avec les tracasseries de la gestion immobilière de la Wilaya d’Annaba d’une part et réglé le problème du logement de Bouira, d’autre part, je devais me remettre au travail pour subvenir aux besoins de ma famille. A mon âge, je ne pouvais pas trouver du travail par les moyens traditionnels de recrutement. Pour cela, je cherchais à  tâtons des vieilles connaissances, dans l’espoir de trouver un emploi.

               Le premier que j’ai rencontré dans la rue par un pur hasard, c’était monsieur Hedjam Hocine, une vielle connaissance de l’ANP. Nous nous installions dans un coin de café, pour siroter un thé. On à parlé de tout et de rien. Sauf qu’au cours des discutions,  il m’apprenait qu’il était directeur de l’unité polyvalente économique de la wilaya de Bouira, à la SN SEMPAC. Ainsi, je lui avais fais part de mon intention de m’installer définitivement a Bouira et que par conséquent, j’avais besoin de travailler. Il m’a tout de suite répondu, qu’il était à la recherche d’un chef du personnel pour le remplacement de celui qui venait de décéder. Il m’a précisé que si j’étais intéressé, le poste est disponible dés maintenant. Je n’avais pas hésité un seul instant pour accepter son offre.

                Le lendemain je me suis présenté dans son bureau pour concrétiser la promesse de cette heureuse rencontre. J’occupais donc ce poste à compter du 1ier juillet 1978 (voir PV d’installation du 28 juin 1978, ci après).

Pour moi, gérer un service du personnel d’une entreprise dont l’effectif ne dépassait pas les 250 travailleurs, était de tout repos.

Après trois ans d’ancienneté dans ce poste, je fus reclassé en qualité de cadre administratif par la Direction Générale d’Alger, (voir décision ci-dessous)

 

               Les missions de l’unité polyvalente économique de la wilaya de Bouira, consistaient à assurer la distribution des farines et semoules produites par la minoterie d’Ain Bassam et la semoulerie de Bouira, qualifiée à l’époque de la plus grande d’Afrique, dont la qualité du produit est irréprochable. Soumise à la gestion socialiste des entreprises, l’UPEW de Bouira, s’est vu fixé un vaste champ de distribution s’étendant sur le centre et le Sud-est du pays.          

Exerçant un monopole sur la production et la distribution des semoules, farines et pates alimentaires, la SN-SEMPAC ne se plaignait pas des méventes, même si ses produits n’étaient pas toujours de bonne qualité.

                Mon passage à la SEMPAC à été marqué par un pénible événement qu’était le terrible tremblement de terre du mois d’octobre 1981, qui à complètement détruit la coquette ville d’El Asnam (Chleff), où j’habitais de 1965 à 1966 à l’époque où j’exerçais au sein de l’ANP. Ce jour là, le directeur étant en congé, j’avais assuré son intérim. Vu l’ampleur des dégâts, j’avais pris l’initiative d’envoyer des semi-remorques chargées de semoule pour venir en aide aux familles sinistrées. Mon jeune frère Belkacem qui exerçait à cette époque son devoir du service national dans cette même localité, a participé lui aussi, aux opérations de sauvetage. A l’occasion d’une visite que j’ai effectuée plus d’une année après ce drame, j’ai constaté que le bâtiment qui m’abritait, à été gravement lézardé et classé parmi les immeubles à démolir.

B - L’EMACOB, 

         

            En 1983, j’avais quitté la SN-SEMPAC, pour être recruté à l’entreprise des matériaux de construction de Bouira (EMACOB), en qualité de directeur de l’administration générale. Ce changement avait lieu suite aux sollicitations de son directeur général, Mer Hedjam, mon ancien compagnon. J’avais été installé dans mes nouvelles fonctions à compter du 1ier janvier 1984   (voir décision du 27 décembre 1983  ci-dessous).                                                        

           Cette entreprise locale dont l’effectif dépassait les 200 travailleurs, était constituée de petites unités de productions de matériaux de construction, à savoir : deux unités de carreaux granito, implantés à Ain Bessem et à Sour el Ghezlan, une unité de grillage-gabion à Aomar gare, une carrière d’agrégats à Sour el Ghezlan ainsi que deux projets de nouvelles unités en construction; une plâtrière à Bordj Okhris et une briqueterie à Aomar gare, lesquelles ne tardèrent pas à rentrer en production.

           La production est destinée à la satisfaction des besoins de la wilaya de Bouira en priorité, l’excédant étant commercialisé à l’extérieur, dans les wilayat voisines. Une forte demande de matériaux de construction, à fait que nos unités travaillaient à plaines capacités.

              A compter de l’année 1986, le pays commençait à connaître une crise économique sans précédant. Les entreprises de la wilaya ont ressenties ses effets, ce qui n’a pas manqué d’interpeller la tutelle. C’est ainsi que les responsables de la wilaya chargés du contrôle, entreprirent des tentatives d’assainissement des entreprises locales. Il avait été créé à cet effet, un comité dit de redressement, englobant six directions de l’exécutif de la wilaya, la banque (BDL) ainsi que les représentants du FLN et des travailleurs (UGTA-union de wilaya).

              En ce qui concerne notre entreprise, cette crise avait engendré un rétrécissement de la demande en matériaux de construction qu’elle produisait, et a réduit en conséquence son chiffre d’affaire. Cependant, au lieu de songer à rénover l’outil de production devenu obsolète du fait de sa vétusté, à l’effet d’améliorer la productivité, on à décidé la dissolution de l’unité siège et l’autonomie des unités de production, sous prétexte de la pléthore du personnel et du coup, le licenciement des travailleurs.

Les décisions ainsi prises lors des réunions tenues les 21 et 23 décembre 1986, étaient de nature à liquider purement et simplement l’entreprise  (voir annexe XIX), alors que la santé économique de celle-ci était bonne, malgré tout. Les documents comptables qui vont suivre, le confirment.

             Ces mesures entai-économique ont été prises par le comité de redressement dont les membres n’étaient que des administratifs confinés dans leurs bureaux et ne connaissant rien dans la gestion des entreprises. A l’exception du directeur général, l’ensemble des cadres de l’entreprise ont rejetées ces mesures. En effet, après plusieurs démarches auprès des autorités concernées, démarches demeurées infructueuses, ces derniers avaient adressé une lettre motivée au wali pour attirer son attention sur la gravité de la situation, lettre dans laquelle ils présentaient leur démission collective au cas où les mesures prises par le comité de redressement allaient être mises en œuvre (voir lettre du 09/02/87 en annexe XXI).

Pour ma part, ne voyant venir aucune suite de la part du Wali et convaincu de l’arbitraire de ces mesures, je me suis permis, au nom du militantisme, de saisir par lettre du 02/02/87 (voir annexe XX), les membres de la coordination de la wilaya de Bouira, à savoir : le Wali, le Mouhafedh du FLN et le chef du secteur militaire (Troïka qui gouvernait au niveau local), lettre par laquelle j’avais suggéré leur intervention pour préserver les intérêts des travailleurs et ceux de l’entreprise. Je croyais naïvement que mes qualités de militant du FLN et d’Officier de l’ALN, pouvaient influer positivement sur la conscience de nos décideurs.

             Par ailleurs, la section syndicale de l’entreprise s’est réuni le 07/02/87 pour dénoncer les mesures prises par ce comité, dont le PV adressé aux autorités compétentes (voir annexe XXII). Toutes ces démarches n’ont malheureusement pas abouties.

            Comment peut-on prendre des mesures aussi néfastes qu’inopportunes contre une entreprise en bonne santé financière, à l’heure même où elle participait au budget de la wilaya jusqu’à concurrence de :

  • 1.371.000 DA, pour l’année 1984

    -    1.200.000   «        «       «   1985            

  •                                                          

  •       Avec un compte de résultat positif de + 5.805.000 DA pour l’exercice de l’année 1986, (voir annexe XXIII), les cadres de l’entreprise sans exception, ne méritaient pas cette sanction. Au contraire, ils devaient être félicités et encouragés.

  •        Comment peut-on expliquer l’attitude du secrétaire général de l’UGTA, union de wilaya, qui à approuvé sans réserves  des mesures contraires aux intérêts des travailleurs qu’il est sensé défendre ?, alors que le rapport de la section syndicale UGTA de l’entreprise était contre ces mesures. Il n’est pas étonnant, hélas !, que ce haut responsable de l’UGTA prenne une telle position, sachant qu’il est le fils de Harki, que ne cessaient d’ailleurs, de dénoncer vainement, ses subordonnés au niveau des unions locales UGTA, mais demeura toujours en poste, parce que imposé par des soutiens d’en haut.

  •         Comment comprendre le laisser faire des hautes autorités de la wilaya qui représentaient l’Etat-Nation au niveau local, après qu’ils furent informés par des rapports détaillés faisant ressortir la bonne santé de l’entreprise et avec preuves à l’appui ?

            Ce n’est qu’à ce moment là que j’ai compris le véritable visage des hommes aux commandes (FLN-Parti-pouvoir et Administration). Déçu, j’ai décidé de prendre ma retraite de l’entreprise et de me retirer définitivement du FLN. En définitive, la multiplication des errements des responsables à tous les niveaux, n’est-elles pas l’aboutissement de l’explosion du 05 octobre 1988 ?

       2.250.000   "        "       "   1986

C - LA COURS DES COMPTES,

        

            En 1987 et après  onze longues années depuis que j’ai quitté la gestion de l’OPGI d’Annaba, la cours des comptes venait de m’adressée deux convocations (voir document ci-dessous) ainsi qu’un questionnaire, me demandant des explications  sur le contrat passé le 08 novembre 1975, avec une entreprise Allemande de Bâtiment, Béton-Und.Monierbau (BUM), pour la construction de 2090 logements à Annaba, questionnaire auquel j’ai répondu et envoyé à l’adresse de cette institution.

          Dans son rapport de vérification, cette dernière à contrôlé la gestion pour la période antérieure à la création des OPGI, Ce contrôle ne s’est pas limité à l’OPGI, mais s’est étalé à la période antérieure à sa création, en l’occurrence, les OP-HLM et les Sociétés d’habitat privées, héritées des biens abandonnés par les Européens au moment de leur départ d’Annaba, en 1962 (pour plus de détails, se référer à l’article 3 - Gestion immobilière, point B précédant).

              Après avoir répondu au questionnaire par écrit, j’ais été entendu en audience par la cours des comptes à deux fois durant l’année 1987, en son siège sis à Alger. Tout comme elle à entendu durant les mêmes audiences, le secrétaire général de la wilaya d’Annaba, venu pour représenter le wali.

              Il y à lieu de préciser que le taux de réalisation de ce programme de 2090 logements à été de 90% au mois de Juin 1978, soit un mois avant mon départ définitif de l’OPGI,  le 1er Juillet 1978. Il faut rappeler qu’après ma démission, en période de préavis de six mois et à ma demande, des contrôleurs financiers du trésor de la wilaya d’Annaba, ont procédé au contrôle de la gestion de l’OPGI s’étalant sur les mois d’Avril, Mai et Juin 1978. J’ai noté que le rapport de vérification de la cours des comptes, élaboré en 1985, faisait état d’un taux d’avancement de 97%, en précisant que le taux d’avancement des travaux effectués par la BUM était très appréciable, (voir page 17, point 1° du rapport de vérification ci dessous).

              En ce qui me concerne, je dois reconnaitre que sous la pression des demandeurs de logements, nous nous trouvions dans l’obligation de procéder à des réceptions provisoires partielles des bâtiments, au fur et à mesure de leur achèvement. Ils étaient mis en exploitation par mes services et aucun problème de quelque ordre que se soit ne m’a été soulevé pendant ce temps là.

              Il faut préciser cependant, que la réception définitive avait lieu bien après mon départ de l’OPGI. Onze ans après et à mon grand étonnement, j’ai reçu en mon domicile à Bouira, une convocation de la cours des comptes, me demandant des justifications sur ma gestion. Enfin de compte, la question qui se pose est de savoir si c’est logique qu’un organisme de contrôle, fut-il la cour de comptes, puisse demander des comptes à un gestionnaire sur des actes de gestion vieux de onze ans?

                                 CHAPITRE V : LA FIN DE CARRIERE

 

A) L’AGRICULTURE :

 

             En 1987, j’avais pris ma retraite prématurément, à l’âge de 47 ans. Mes deux pensions de retraite et des moudjahidin cumulés, ressource insuffisante pour subvenir aux besoins de ma famille nombreuse (huit enfants, tous en bas âge et les deux parents), j’avais adressé sans tarder, à monsieur le président de l’APC de Bouira, une demande d’attribution d’une parcelle de terre agricole. C’était bien tombé, car à cette époque précise, on procédait à la refonte des terres agricoles (DAS), en exploitations agricoles collectives ou individuelles (EAC / EAI).

              En 1988 et après cette énième réorganisation des terres agricoles du secteur publique, les services agricoles de la wilaya, avaient entre les mains des terres que les membres des EAC et EAI nouvellement crées, avaient refusé de prendre en charge, au motif qu’elles n’étaient pas rentables. Par conséquent, ces terres agricoles avaient été classées par les autorités compétentes comme étant excédentaires et susceptibles d’être attribuées aux fonctionnaires de l’administration des services agricoles en priorité. Dans le cas du désintéressement de ces derniers, elles seront attribuées aux moudjahidin, en deuxième priorité et ce, conformément à la loi, nous disait-on.

              C’était pour moi une heureuse surprise que de recevoir une convocation qui émanait de la commune de Bouira, m’informant que ma demande avait été prise en considération. Je me présentais devant monsieur la maire qui m’annonçât que je figurais sur la liste d’une EAC composée de trois moudjahidin et que si j’étais d’accord, je devais prendre attache avec les deux membres déjà désignés et qui attendaient depuis longtemps pour trouver un troisième.        

               Sans visiter les lieux, ni connaitre les autres membres, j’ai accepté sans réserve.    J’ai rencontré mes co-équipiers qui m’attendaient avec impatience car, me disaient-ils, à l’instar des fonctionnaires des services agricoles,  tous les moudjahidin consultés jusqu’à lors n’avaient pas acceptés l’offre, au motif que ce lopin de terre qu’ils avaient visitée au paravent, n’était pas rentable. Nous nous étions rendus sur les lieux pour visiter l’exploitation. C’était une vieille plantation de poiriers d’une superficie de moins de 12 hectares. Elle est située à 7 kilomètres à l’est de la ville de Bouira sur la RN5 (Alger Constantine) et bordé du coté nord par la voie ferrée. Elle ressemblait plus à une étendue de maquis qu’à un verger. A première vue, j’ai constaté sur place que cette parcelle de terre est fertile et bien située, elle était seulement à l’abondant. Mes camarades un peut inquiets, prêtaient attention à mes propos encourageants. En définitif, nous étions tous satisfaits et une lueur d’espoir était visible sur les visages de mes coéquipiers.

             Cette plantation de poiriers était la dernière à trouver preneur, étant donné que tous les fonctionnaires et autres moudjahidin auxquels elle à été proposée avant nous, l’ont refusé car, en plus du fait que ses arbres ont atteint un degré de vétusté avancé et laissées dans un état d’abandon, on doit payer au trésor publique la somme de 400.000 DA, suivant une estimation domaniale. En réalité ce montant est nettement supérieur à sa valeur réelle.  

             Après avoir constatés l’état des lieux, nous étions persuadés que les craintes des uns et des autres étaient justifiées. Cependant, cela ne pouvait pas nous décourager pour autant, nous qui étions agriculteurs sous occupation Française et ce n’est qu’un retour aux sources de nos ancêtres, mais libres et indépendants. Nous aimons cette terre que nous avions irriguée de notre sang pendant la guerre la guerre de libération. Aujourd’hui nous sommes  libre, nous pouvons l’irriguer de notre sueur pour nourrir nos enfants et participer au développement de notre pays. Au bout de deux années d’efforts soutenus, cette parcelle à changée de visage pour redevenir un verger de poirier ressemblant à un paradis sur terre, que la photo ci-dessous montre bien. Dommage pour moi que je ne possède pas sa photo avant de la prendre en charge.

   (EAC, baptisée au nom du chahid Mélikchi Said-Photo de 1990-Salah Ouzrourou-son fils Ali)

 

             Nous voila au travail, moi et mes co-équipiers, aidés par nos enfants, y compris en période de scolarité, nous avions, grace à Dieu, récoltés le fruit de notre labeur.

             En cette même année 1988, le destin à voulu que je fasse mon devoir de pèlerinage aux lieux sains de l’Islam. Mon souhait était d’accompagner ma Mère. Après le tirage au sort effectué dans l’APC d’Akbil, j’ai été l’heureux sortant, sans ma Mère qui à été évincée en dépit de la réglementation qui stipulait que cette dernière est bénéficiaire d’office lorsqu’un parent est sorti du tirage au sort. Ma mère étant évincée arbitrairement, j’ai du accepter avec plaisir, d’être le tuteur d’une dame d’Ait Ouabane qui n’avait pas de proche parent. On retrouve des injustices même pour l’accomplissement d’un devoir religieux. Dieu merci, cela n’à pas empêché ma mère de faire son pèlerinage aux lieux saints de l’islam, suite à un autre tirage au sort organisé par la même APC, deux ans après et sans transgresser la loi.

              Les dures années de sécheresse ayant perduré de la fin du dernier siècle au début du siècle présent, ont fait que l’eau du puits à disparu. Nous étions alors contrains d’arracher les poiriers, pour faire d’autres cultures à sec (les céréales).

              Depuis plusieurs années, soit du début de la fin du dernier siècle, la sécheresse nous frappait de plein fouet et à perdurée au point où le puits était à sec et l’eau à disparu de l’exploitation, jusqu’à nos jours, d’ailleurs.

              Avec le temps, nous, membres de l’EAC, n’arrivions pas à nous entendre sur plusieurs sujets et c’était la raison pour laquelle nous avions procédés à la séparation, à l’amiable. Nous avions procédé au morcellement regrettable de notre petite exploitation. Chacun était libre de cultiver sa parcelle comme il l’entendait. Aussi, malgré que ce fût illégal, nous avions appelé un expert foncier pour délimiter les trois parcelles, car nous n’avions pas d’autres solutions.

              En ce qui me concerne, des efforts ont été déployés pour investir, car j’étais convaincu que sans investissements, la terre ne peu pas donner comme on l’aurait souhaité. Profitant de l’aide de l’Etat (FNDRA), moi et mes enfants avions plantés 300 oliviers au cours des compagnes agricoles 2000 et 2002.

               C’était malheureusement la période de sécheresse qui a sévie depuis plusieurs années. Les oliviers étaient arrosés durant toutes les saisons y compris l’hiver, à l’aide d’un tracteur-citerne d’une contenance de seulement 3.000 litres, en location pour 600 DA/voyage. Pour arroser l’ensemble des oliviers, il fallait dix citernes à la fois, à renouveler tous les vingt jours en été et tous les mois en hiver et ce, durant les premières années de la mise à la terre. La sécheresse était tellement sévère que nos efforts n’étaient pas couronnés de succès, le taux de réussite ne dépassant pas les 30 %.

               Enfin, grâce au nouveau barrage hydraulique de Tilesdit, nous espérons avoir une concession d’eau d’irrigation vers la fin de l’année 2015. Les travaux de transfère pour l’irrigation des terres du plateau d’El Asnam sont en cours de réalisation.

               En 2005, ce résultat ne m’ayant pas découragé pour autant, j’avais continué à investir sur mes fonds propres et une partie obtenue grâce à un prêt familial, pour la construction d’un local de petit élevage d’une contenance de 2500 poulets de chère. Mes enfants, tout en étant scolarisés, y ont participés par la force de leurs bras, durant leurs vacances et même les jours où ils ne faisaient pas classe.

               En 2008, j’ai passé la main de la ferme à mes enfants pour m’occuper du jardin de la maison que je chérie autant, dont voici quelques photos en famille:    

 

(L'olivier, le figuier et le chêne vert, arbres nourriciers et faisant parti de notre culture, je ne peux pas m'empêcher de les planter et de les entretenir)

                            CHAPITRE VII : L’OUVERTURE DEMOCRATIQUE (1988/2012)

 

         

          Au lendemain de l’indépendance, mon souhait le plus profond était de vivre en paix dans un Etat de droit où s’exercera la démocratie, où toutes les libertés seront garanties et ce, en conformité avec la déclaration du 1er Novembre 1957 et la plate-forme de la Soummam du 20 Aout 1956.

          Au lieu de cela et à la fin de ma carrière, hélas !, l’espoir suscité par l’ouverture démocratique de 1989, s’est transformée en un cauchemar, ce qui nous à replongé dans des situations aussi tragiques que les précédentes. Ce qui va suivre, est le résumé d’une situation dont je fûts un témoin.

 

 

1 - EVENNEMENTS SANGLANTS DU 5 OCTOBRE 1988 :

 

          Le soulèvement populaire du cinq octobre 1988, à fait couler une nouvelle fois le sang des algériens. Plus de deux cents innocents sont tombés sous les balles de l’armé du régime. Les événements avaient pris une telle tournure que les hommes au pouvoir ont cédé aux exigences de la rue. Les activistes islamistes, notamment  l’organisation terroriste de Bouyali déjà existante dans la  Mitidja (région de Blida), auraient été encouragés, par ce pouvoir à l’effet de contrecarrer le mouvement berbère qui commençait à poser de sérieux problèmes aux autorités du pays, au début de 1980. C’est ainsi que, les islamistes ont trouvés une brèche pour occuper le terrain politique, notamment au niveau des universités.   

Cette situation à contraint le régime dictatorial de procéder à la révision de la constitution en 1989 qui a consacrée l’ouverture politique. Il a été enregistré plus de soixante associations à caractère politique en un temps record. Parmi les associations politiques reconnues officiellement par le pouvoir, on distinguait le Front Islamique du Salut (FIS) qui se prononçait pour la création  d’un Etat Islamique fondé sur la Charia. Pourtant la nouvelle constitution stipulait que les associations à caractère politique ayant une connotation religieuse ou culturelle ne seront pas autorisées à exercer. En se référant a cette nouvelle loi, le FIS, fondé sur des préceptes religieux, ne devait pas être  autorisé à exercer. Au cours des élections municipales de 1989, ce parti a gagné la majorité des communes à travers le territoire national.

Se sentant fort après la réussite de ces élections, le FIS visait la prise du pouvoir par tous les moyens, et ne ménageait aucun effort  pour gagner la confiance des populations. Pour y parvenir, il avait entre ses mains trois atouts importants, de mon point de vue, à savoir :

  • les terrains agricoles ainsi que les poches non construites à l’intérieur des villes, voir même des rues dans des cartiers, qu’il distribuait aux citoyens proches de ce parti, pour ériger des constructions au mépris des lois régissant les terres agricoles et l’urbanisme. Exemple : l’APC de Bouira a vendu à un résidant à la cité Hamlaoui, Draa el Bordj, une poche de terrain ainsi que la rue qui la traversait et par laquelle deux de ses voisins accédaient à leurs maisons. Sur le trottoir de cette même rue est érigé un poteau électrique et la niche du compteur d’eau d’un voisin. L’acquéreur à bénéficié d’un permis de construire, pour l’extension de sa maison au détriment des voisins, dont l’un d’eux à fait opposition auprès de l’APC.    

         Cette démarche n’ayant pas aboutie, il déposa une plainte auprès du tribunal de Bouira et constitué un avocat.     

           Il fut malheureusement débouté au mépris des règles d’urbanisme en vigueur. Pourtant tous les textes législatifs et réglementaires, plaidaient en sa faveur. A mon avis, cette aberration ne peut s’expliquer que pour deux raisons, à savoir : a) l’avocat n’à pas assuré sa défense convenablement, du fait qu’il était sympathisant du parti du FIS ; b) le magistrat ayant jugé cette affaire serait lui aussi sympathisant du parti du FIS, ou craignant le châtiment de ce dernier.

           Les mosquées étaient occupées  par les islamistes pour répandre l’idéologie salafiste au sein des populations,  les autorités ayant laissé faire. (Exemple) : un jour, pendant que je discutais avec l’Imam de la mosquée de notre quartier, un groupe de salifias passèrent devant nous, dans l’enceinte de la mosquée. Vêtus de tenues Afghanes, cheveux et barbes fournis et trop longs, de surcroit non entretenus, j’avais demandé à notre cheikh qui sont-ils ? Sa réponse à été que ce sont des oulémas qui sillonnent les mosquées pour faire apprendre aux citoyens leur religion. Je lui ais rétorqué que lorsque j’étais enfant, les habitants de mon village désignaient les individus de cet apparence de Draouches (des débiles mentaux).

  • Ces mêmes individus qualifiés d’oulémas, enseignaient à nos jeunes de nouvelles manières de faire la prière, inconnues jusque là dans notre pays, manières que je n’ais jamais vues pratiquées dans les mosquées des régions où j’ais vécu. Il faut retenir que cet enseignement à pris chez les jeunes et moins jeunes, à tel point qu’aujourd’hui en 2015, rares sont ceux qui ont gardé les anciennes pratiques.

  • Les militants de ce parti s’étant érigés en commerçants informels, s’installaient anarchiquement dans des quartiers populaires en s’accaparant des trottoirs et parfois même la rue, pour y étaler des fruits et légumes qu’ils vendaient en toute quiétude.

  • Les marchandises qu’ils achetaient au pris fort les revendaient à un pris symbolique ; (exemple) : un kilo de pomme de terre acheté au marché de gros à 20 DA, est revendu à 3 DA au citoyen.

La question qui se pose est de savoir comment ce parti a-t-il pu financer la perte de ce commerce informel ? Pourquoi les services de l’Etat chargés du contrôle du commerce ont-ils tolérés cette concurrence déloyale ?  

Toutes ces activités illégales qui se faisaient au grand jour et tolérées par les pouvoirs publiques, ne faisaient que renforcer la conviction des militants islamistes pour atteindre leurs objectifs, à savoir : acquérir la sympathie des citoyens pour prendre ensuite le pouvoir.

Les élections législatives de 1991 ont été remportées par le FIS, au premier tour et à la majorité écrasante. Malgré la fraude électorale dont a été accusé ce parti, il faut reconnaître que la majorité des votants s’était exprimée  pour lui. Il y a lieu de noter également, que la majorité des Algériens n’a pas voté. Le FLN ayant perdu sa notoriété n’avait plus de sympathie au sein des populations. On parlait alors, de vote sanction. Après cette victoire, les responsables du FIS annonçaient déjà au peuple, entre autres changements aux quels il doit s’attendre, leur tenues vestimentaires.

           Après la proclamation des résultats du vote, des partis du camp démocratique, à l’exception du FFS, ainsi que l’UGTA, sortaient dans les rues de la capitale avec leurs militants et sympathisants pour manifester leur désapprobation.  Le lendemain le FFS à organisé une contre-manifestation pour soutenir les résultats des élections. La première conséquence de ces événements, fut l’annulation des élections.  Devant la gravité de la situation, l’Armée sortait des casernes pour prendre les points stratégiques de la capitale et l’état d’urgence ainsi que le couvre feu furent décrétés. C’est ainsi que l’’ANP à pris le pouvoir ouvertement, sachant que ceux qui détenaient les reines du pays jusqu’à lors, étaient dans les cercles de cette institution.    

1) Manifestations d’octobre 1988 à Alger. 2) L’armée et à sa tète le Général Khaled Nézar, ministre de la défense nationale, en patrouille dans la capitale)

2 - LA GUERRE CIVILE - LE TERRORISME :

     (Ou la décennie noire)      

 

Les Islamistes s’étaient déjà préparé à prendre le pouvoir par tous les moyens, y compris par les armes, on se souvient du mouvement terroriste de Bouyali, au début des années 1980 dans la Mitidja. La victoire du FIS aux élections législatives de 1991, à fait réagir le pouvoir en procédant à l’annulation du processus électoral. C’était une autre occasion donnée au mouvement islamiste pour activer son bras armé, le Mouvement Islamique Armé (MIA). Selon la presse nationale, la première action armée a été perpétrée contre une caserne militaire à Guemar, wilaya d’El oued, quelques mois avant même l’arrêt du processus électoral et des armes auraient été subtilisées, à cette occasion. Depuis, plusieurs autres actions armées avaient été perpétrées avec succès, contre l’ANP et les différents services de sécurité.

De nombreuses arrestations parmi les militants du FIS furent entreprises par les services de sécurité et envoyés au Sahara où des camps furent improvisés pour les accueillir. Ces camps d’internement, étaient propices pour permettre aux militants engagés du FIS de mieux s’organiser et renforcer les maquis du MIA, dés leurs libération. Dans leur affolement, les services de sécurité continuaient de sévir dans l’arrestation de citoyens innocents et la pratique de la torture, selon de nombreuses sources d’information. Les mêmes sources parlaient d’enlèvements et de disparitions forcées.

Cette façon d’agir n’a fait que renforcer les rangs de la subversion. Aussi, des fatwas parvenues des cheikhs du Moyen Orient ont traité de Koffars, tous les algériens qui ne sympathisaient pas avec le parti du FIS et proclamaient licite, leurs assassinats.

Sous le couvert de ce même parti, d’autres organisations armées ont vue le jour. Il s’agissait notamment du GIA et du GSPC. Le pays est rentré dans une instabilité sans précédant. L’insécurité était totale dans les villes et villages. Aucune région n’est épargnée. Des massacres furent commis dans des villages et des cartiers des villes, ainsi que l’assassinat de journalistes, hommes de culture et autres intellectuels.

 (Meeting du FIS avec Abassi Madani-1991)       (Ali Benhadj en conférence de presse-1991)

  

            

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

             

 

 

            Ce moudjahid qualifié de père de la révolution, est rentré de l’exile qui avait duré plus de trente ans, dans le but de sauver le pays du chaos. Dés les premiers mois de son installation, il avait rendu l’espoir aux Algériens. Hélas ! Après six mois à la tête de l’état et au cours d’un meeting populaire tenu à Annaba, il fut assassiné devant les caméras des télévisions nationales et étrangères. Ce crime odieux a été suivit en direct, par moi-même et par la majorité des Algériens.

  (Aéroport d’Alger – Accueil de Boudiaf par Sid Ahmed Ghozali, chef du gouvernement – Khaled Nezar, ministre de la défense nationale - Mohamed Lamari, chef d’Etat Major de l’ANP et d’autres officiers supérieurs)

            Devant le péril qui guettait l’Algérie, les hommes du régime, ceux là même qui avaient pris le pouvoir par la force en 1962 et forcé Mohamed Boudiaf à s’exiler au Maroc, s’étaient rendu chez lui, pour l’appeler à la rescousse du pays. Il avait accepté, après avoir reçu l’assurance, nous disait-on, que les militaires se tiendraient a l’écart du pouvoir.

(Accueil de Boudiaf à l’aéroport d’Alger)  (Assassinat de Boudiaf lors d’un discours à Annaba)

 

           Le 16 janvier 1992, on à accueillit Boudiaf à sa descente d’avion à Alger, en lui offrant des dattes et du lait. C’était la tradition Amazigh, selon laquelle on offre à son ôte Tagoulla Dh’elmelh en gage de paix et d’amitié. Mais voila que Tagoulla Dh’elmelh ont été trahit en l’assassinant, six mois après à Annaba, soit le 29 juin 1992.

La peur a gagnée l’ensemble du pays. Les populations rurales fuyaient vers les villes, abandonnant ainsi leurs terres. Cet exode rural ressemblait fort bien à celui vécu durant la guerre de libération nationale. Le supplice avait duré plus de dix années. Il est à souligner que l’écrasante majorité des Algériens fut touchée de prêt ou de loin, par ce malheur. Vers la fin des années 1990, les négociations engagées entre le pouvoir et le Mouvement Islamiste Armé (MIA), furent couronnés par la reddition du plus grand nombre d’hommes armés.

         On avait alors l’espoir que la paix est revenue, le couvre feu étant levé, mais l’état  d’urgence demeurait toujours. Hélas, cependant, des actions terroristes ne finissaient pas d’endeuiller les familles Algériennes et ce, en dépit de la réconciliation nationale imposée par le pouvoir. Je veux pour preuve deux exemples qui m’ont touchés personnellement :

        a) L’attentat kamikaze qui a visé le présidant de la république, Abdelaziz Bouteflika le 06 septembre 2007 a Batna, à entrainé la mort de plusieurs citoyens innocents ainsi que de nombreux blessés, dont mon cousin maternel Saad-Bouzid Ali, décédé trois jours après à l’hôpital de cette ville, des suites de ses blessures, (voir photo ci-dessus du journal Elwatan).

             (Sur cette photo à gauche, mon cousin Saad-Bouzid Ali assit, ensanglanté) 

          

          Pourtant, mon cousin, commerçant de son état, n’a rien à voir avec la politique. Il a été pris au piège des terroristes en revenant de la mosquée après avoir accompli la prière d’el aasr. Son seul tort, était d’avoir emprunté le chemin de la mosquée au moment où devait explosée la bombe, itinéraire qu’il prenait habituellement de son magasin à la mosquée.   

        b) Un double attentat kamikaze à la voiture piégée  s’est produit à Bouira, en date du 20 août 2008, vers six heures. La première voiture a explosée devant l’hôtel Sophy, visant les employés de entreprise Canadienne (SNC-LAVALIN) où l’on à déploré des morts et des blessés, ils étaient tous des Algériens. Une deuxième voiture explosera après seulement trois minutes devant le secteur militaire, situé au quartier CADAT B, à 100  mètres environ, de chez moi. La déflagration a été si forte que presque toutes les maisons du quartier étaient  ébranlées par le souffle de la bombe. Des lambeaux de la chère humaine, provenant probablement du kamikaze, ainsi que les débris de la voiture piégée, tombaient comme de la pluie sur nos maisons. D’ailleurs, j’en ai ramassé quelques spécimens dans mon jardin. Aucune victime n’a été signalée parmi les habitants du quartier. Par contre, presque toutes les portes et fenêtres étaient arrachées et les vitres brisées, causant de légères blessures aux membres de certaines familles. Nous voilà donc victimes du terrorisme, nous qui croyons que la « décennie noir » était derrière nous. Le lendemain, une commission de la wilaya est passée dans nos maisons pour constater les dégâts pour lesquels d’ailleurs, une indemnisation nous a été accordée.

   (Hôtel Sophy de Bouira, le jour de l’attentat)      (Hôpital de Bouira accueillant les blessés)

 

            Moins de 24 heures après le double attentat de Bouira, un autre attentat kamikaze plus meurtrier cette fois, à frappé l’Ecole nationale de la gendarmerie des Issers. Cet établissement qui abritait le groupement de la gendarmerie mobile au lendemain de l’indépendance, longeait la route nationale Alger-Tizi Ouzou.

       (Ecole de la Gendarmerie Nationale des Issers - Attentat kamikaze d’Aout 2008)

        

         Cette caserne de la Gendarmerie mobile fut ensuite convertie en une Ecole Nationale. Située à la sortie Ouest de la ville des Issers, sur la RN 5 (Alger-Constantine), elle  fait face à la villa où j’habitais durant les années 1962/63 (voir photo ci-dessous)      

               (Après l’attentat, ce qui reste de la villa que j’habitais en 1962/63)

 

           Cette villa à été gravement touchée par la déflagration de la bombe et ses occupants, sortis indemnes par miracle, furent déplacés vers Zemouri. Ce drame m’a profondément touché pour deux raisons :

      a) C’est dans cette même maison que j’avais célébré mon mariage, en 1963.

      b) Au lendemain de la dissidence de la 7éme région militaire, j’étais contraint de déménager vers mon village natal (Ait Hamsi), tout en prenant le soin de loger dans cette villa, la veuve du chahid Si Youcef (Bouiri Boualem de son vrai nom), ce Lieutenant zonal que j’avais eu rarement l’occasion de côtoyer dans le maquis. Sa veuve et ses enfants sortirent indemnes, Dieu merci, et furent transférer vers la ville de Zemouri.  Le destin à voulu que je les rencontre après 45 ans, à l’occasion de la commémoration organisée à  la mémoire de leur mari et père, le chahid si Youcef,  par le musée du Moudjahid de Tizi Ouzou, en 2012.

            

 

3 - LE PRINTEMPS BERBERE :

 

          La non reconnaissance aux Berbères de leurs droits légitimes (langue et culture), à provoquée des soubresauts  en  Kabylie. Longtemps occulté par les tenants du pouvoir, ce droit à de tout temps été revendiqué par les populations de cette région. Le pouvoir Algérien demeure sourd à ces revendications légitimes. Pis encore, à chaque fois il trouve des subterfuges pour semer la haine entre Algériens et remonter ces derniers contres les Kabyles. Combien de fois n’a-t-on pas parlé que la Kabylie voulait édifier une république. On se souvient cette affaire montée de toutes pièces, selon laquelle des armes ont été larguées par des avions étrangers au Cape Sigli, du coté de Bejaïa. Le pouvoir à toujours suscité la haine entre les Algériens en menant la politique de diviser pour régner. On se souvient également de la marche historique d’Alger du 14 juillet 2001 du million d’Algériens, dont le gros des effectifs était venu de la Kabylie, pour manifester leur ras-le bol. Les autorités sécuritaires, au lieu d’assurer leur protection en vertu de la loi, les ont non seulement matraqués, mais leur chefs ont été plus loin en dressant des Algérois contre ces Kabyles venus, selon eux,  saccager la capitale. Selon la presse, des témoins oculaires ont rapporté avoir vu et entendu un haut  responsable de la police, crier à l’adresse des habitants de Belouizdad, « allez repousser ses Kabyles venus vous agresser dans vos foyers ».

           Je tiens à rappeler pour l’histoire, qu’à l’instar des autres Wilayat historiques, la résistance de la Wilaya III (Kabylie) à fait échouer le plan du Général De Gaule, visant la séparation du Sahara en  accordant l’indépendance au nord de l’Algérie. Cette résistance à déchainée les foudres des puissants Généraux de l’armée Française pour écraser les populations et les moudjahidin déterminés à ne laisser aucun pouce de l’Algérie à l’occupant, en montant contre eux la fameuse opération jumelle.

         Les conséquences de cette politique de division n’ont entrainées que des malheurs à notre pays  et l’à de tout temps maintenues dans une situation d’instabilité.

         En effet, en 1980, les universités de Tizi Ouzou et celle de Ben Aknoun à Alger, ont connues des manifestations des étudiants, revendiquant la reconnaissance de la langue et de la culture Amazigh. A Ben Aknoun des affrontements entre étudiants démocratiques et islamistes furent déclenchés, entrainant l’assassinat d’un étudiant par des islamistes. Au mois d’avril de même année, à Tizi Ouzou, les services de sécurité ont envahi le campus de l’université pendant la nuit, en violation des franchises universitaires. Des étudiants, filles et garçons ont été tabassés et malmenés.

          Le 18 avril 2001, à l’occasion de la commémoration du printemps Berbère par des lycéens, le jeune  Guermah Massinissa fût assassiné par des gendarmes, dans l’enceinte de la brigade de Béni Douala. Il y a lieu de souligner que de tout temps, l’attitude provocante des gendarmes à l’égard des populations Kabyles est notoirement connue. On les surnommait des Caïds, en référence aux valets de l’administration coloniale qui pratiquaient la hogra envers les populations, du temps de l’occupation Française.

          L’assassinat de ce lycéen que le ministre de l’intérieur Zerhouni, qualifiait par arrogance de voyou, à été l’élément déclencheur d’une révolte sans précédant. Toute la Kabylie était embrasée. De violentes émeutes éclatèrent pour dénoncer les injustices et les abus de pouvoir. De nombreux bâtiments de l’administration, y compris ceux de la gendarmerie, furent saccagés. Ces manifestations ont été sauvagement réprimées par les forces dites de l’ordre, notamment la gendarmerie qui tirait à balles réelles sur des jeunes dont la plupart était des lycéens et des universitaires. Selon des chiffres publiés par la presse, plus de 120 manifestants étaient tués et des centaines de blessés ont été enregistrés.

          En ce même mois d’avril 2001, je me trouvais dans  mon EAC située à moins de trois km de la ville d’El Asnam et à sept km de la ville de Bouira, à proximité de la RN 5 Alger-Constantine, en train d’irriguer les poiriers, voir photo ci-dessous.

                  (Salah Ouzrourou dans la plantation de poiriers (EAC), en 1990)

         

          Ce jour là, plusieurs manifestants pourchassés par les gendarmes, passèrent devant moi, me demandant de l’eau à boire. Après avoir étanché leur soif, j’essayais de leur faire une leçon de morale en disant que j’adhérais à leurs idées, mais je ne suis pas d’accord pour la destruction des biens publics. Voila ce que j’ais eu comme réponse : Si on ne détruit pas tout ce qui se trouve sur notre passage, personne n’entend  notre détresse.

          Les photos ci-après montrent la mairie d’El Asnam en flammes ainsi que la route nationale N°5 Alger - Constantine, fermée par des barricades au niveau du centre ville.

       (El Asnam-Bouira - Mairie incendiée)            (El Asnam-Bouira - RN5 barricadée)

          Après plusieurs semaines de violence, un mouvement citoyen s’organise en créant la coordination des Aarchs, daïra et communes (CADC). Ce mouvement à élaboré la célèbre plateforme d’Elkser, dont les revendications ont été négociées avec le chef du Gouvernement, sans résultats probants. Cependant, à l’occasion de la révision de la constitution en 2008, le pouvoir y avait consacré Tamazight, langue nationale.

 

 4 - L’ALGERIE CONTINU DE SOMBRER :

 

            Au plan économique, le chômage va en s’aggravant du fait d’un manque d’investissements productifs. Une grande partie de la consommation nationale (alimentation, produits manufacturés et industriels, services et autres produits de luxe) sont importés de l’étranger. Les PME et PMI, seules créatrices d’emploi, sont empêchées de s’épanouir par la faute d’une bureaucratie étouffante. A cette situation dramatique, s’ajoute la corruption devenue un système d’Etat que tous les Algériens dénoncent, y compris le premier magistrat du pays, qui promet d’y remédier, mais sans résultats, par manque de volonté politique.

             Au plan sécuritaire, nous sommes en 2015 et malgré la levée de l’état d’urgence  décrété depuis quatre ans, les barrières posées par l’Armée autour de la caserne implantée dans notre quartier, demeurent malheureusement toujours en place. Une seule issue est laissée pour l’accès des véhicules dans le quartier et en faisant un grand détour. Les obstacles érigés sur la chaussée, étaient tellement serrés, que les femmes du quartier se devaient d’écarter, pour se frayer un chemin  aux poucettes de leurs bébés et les remettre en place après un passage éprouvant. Ceci me rappel les douloureux souvenirs de la guerre de libération nationale, durant lesquelles l’armée Française d’occupation avait érigée des barrières autour des villages, afin d’assiéger la population,  pour mieux la contrôler.

             Les résidants ont le sentiment de vivre dans une prison à ciel ouvert et du même coup, doublement victimes :

             a) du terrorisme de par le tord moral et les dégâts matériels occasionnés à nos maisons,

             b) de l’Etat censé nous protéger, de par la peur que suscitent en nous, toutes ces barrières en béton et en acier, érigées devant l’entrée du quartier, sans compter les désagréments que nous subissons au quotidien.

             Malgré tout, le terrorisme ne cesse pas de frapper en Kabylie. Au début des années 2000, le GSPC avait annoncé son allégeance à l’organisation terroriste internationale « El Qaida ». Les wilayas les plus touchées, sont : Tizi-Ouzou, Bouira, Boumerdes, Bejaïa, Bordj Bouareridj et à un moindre degré, Jijel.

           Dans son discours du mois d’avril 2012 a Arzew, le présidant de la République avait promis de profondes réformes politiques pour arriver à instituer un Etat de droit. Comme à l’accoutumée, les mêmes promesses reviennes à l’actualité, depuis l’ouverture démocratique de 1989, à chaque fois que le pouvoir se sent menacé. Cette fois, la menace est venue du printemps Arabe.

           Officiellement, l’état d’urgence est levé. Sur le terrain, il est d’actualité, puisque  nous le vivons lors de nos déplacements à l’intérieure du pays, voir même dans notre propre quartier, où les barrières existent toujours. Les marches ou réunions sont interdites aux formations politiques de l’opposition.

          Les membres du gouvernement essaient de couvrir le soleil à l’aide d’un tamis en criant sur tous les toits que l’Algérie à retrouvée sa stabilité, ignorant sciemment les graves troubles de Ghardaïa, les émeutes à travers tous le territoire national, à chaque fois que les autorités procèdent à la distribution de logements, les manifestations de citoyens réclamants le gaz de ville, les routes, les logements, entre autres, se traduisant souvent par l’occupation des sièges de communes et de Daïras et les coupures de routes. D’autres manifestations populaires avaient lieu récemment à travers toutes les Wilaya du Sud, exigeant l’arrêt de l’exploitation du gaz de schiste.

 

                                                                                                      A Bouira le 20 Avril 2015.

                                                                                                      Fin de la 2éme partie.

 

N.B/Voir les annexes dans une page à part.

         (Boumahni 1959 - Avion piper-cub ou mouchard, en opération de reconnaissance)

           L’explosion des fûts, se faisait en l’air, à quelques mètres seulement du sol, répandant au dessus de nos têtes une substance chimique, liquide et huileuse. Leur mission achevée, les bombardiers rejoignent leur base, laissant la foret de Boumahni en feu.

           Nous étions trois moudjahidin à être touchés au NAPALM. Il y a lieu de préciser que

les photos en couleur insérées ci-dessus, illustrent parfaitement le lieu du déroulement des faits ainsi que les moyens de guerre engagés par l’ennemi dans cette bataille. Elles ont été prises en 1959 par Gérard Van Der Linden, un soldat Français du contingent, affecté à la SAS de Boumahni (Draa el Mizan).

          Ces photos revêtent pour moi  une importance capitale dans la mesure où elles révèlent avec précision, les moyens de guerre utilisés dans cette bataille et l’endroit exact où elle s’est déroulée. Elles m’ont incitée à faire des recherches plus poussées pour connaitre leur auteur. Je l’ai découvert sur You tub et il à écrit plusieurs ouvrages dont un extrait de son témoignage, joint ci-après et intitulé : « Ma vie ».

           Je cite : « Je suis né le 20 juin 1938 à Roubaix dans le quartier du Pile. Avec cette circonstance exceptionnelle que peu de personnes ont connue : je suis mort. Ou plutôt, la presse a révélé ma mort en même temps que ma naissance. Le téléphone à l’époque n’existait pas. Je vous laisse imaginer la stupéfaction de mon grand-père et de mon oncle qui, ayant lu la presse le matin, s’attendaient à trouver une maison en pleur, et qui ont découvert l’erreur. Installé tout au bord de la Belgique, le quartier du Pile était le lieu prédestiné pour les fraudeurs de tous poils.

C’est là que je suis allé en classe. L’école primaire Jean Macé m’a accueilli et enseigné les premières leçons de Français. Fils d’émigré, mon dossier préparé pour le passage de l’examen d’entrée en sixième fut curieusement perdu. Il faut dire que le directeur de l’époque souhaitait garder le plus longtemps possible les meilleurs élèves afin d’avoir des statistiques éloquentes au certificat d’études. Je n’étais pas une lumière, mais pas un cancre non plus. Heureusement que maman était présente lors de l’appel des concurrents, et qu’elle me fit accepter dans les classes pour passer les épreuves. Je me souviens qu’il n’y avait plus de places chez les garçons et que je fus admis dans une classe de filles. Quelle horreur !! Un garçon dans leurs rangs !!! Cela ne s’était jamais vu. Elles s’ingéniaient à cacher leur copie, persuadées que j’allais tricher. Par miracle, je rétablis la situation en sortant premier du département du Nord. Quand je voulus passer le concours d’entrée à la caisse d’Allocations Familiales, le même phénomène se reproduisit : le dossier déposé au lycée disparut lui aussi corps et biens. J’eus la chance de la compréhension du directeur qui accepta ma candidature, bien que le dossier n’ait pas été rempli. C’est ainsi que je commençai ma vie professionnelle le 1er août 1955.

Trois ans plus tard, le 1er juillet 1958, je fus incorporé. Je partis pour la section des infirmiers militaires, à Vincennes. Hélas, le destin était contre moi, une fois de plus. Normalement, la formation devait durer quatre mois, mais rapidement, nous fûmes consignés car le général de Gaulle devait faire face à un problème majeur : un référendum était programmé pour septembre. Pendant quatre semaines nous fûmes consignés et nous dûmes monter la garde pour protéger les bâtiments publics. Avec ces nouvelles recrues, la France était bien protégée : pas un d’entre nous n’avait jamais tenu une arme, encore moins tiré un coup de feu.

Après avoir suivi les cours de « spécialisation » (quelques bribes de cours pendant le temps qui nous restait), je devins sergent infirmier mais je partis pour l’Algérie, le classement donnant priorité en fonction du classement. J’étais quelque chose comme 115ème sur 164, battu comme prévu par bon nombre d’étudiants en médecine, qui faisaient partie de la section d’infirmiers militaires, parce qu’il leur manquait quelques points ou quelques stages pour poursuivre leurs études.

C’est ainsi que j’arrivai au 72ème bataillon du Génie à Dra El Mizan, en Grande Kabylie après treize jours d’un voyage des plus pénibles.

Bien que considéré comme un spécialiste par les officiers qui me reçurent, je n’avais jamais ni pris une tension ni fais un pansement, encore moins une piqûre. Je n’avais vu un malade ou un médicament qu’accidentellement. Pourtant, je fus chargé de soigner notre compagnie, la population, et je fus nommé garant de la santé et de la vie de tous mes camarades.Je réalisai ce que cela signifiait lorsque quinze jours après mon arrivée, je dus aller chercher dans l’oued, un homme gravement blessé. J’appris au moment du départ, la civière sur le dos, que c’était mon camarade de chambrée qui avait tiré accidentellement sur un de ses hommes. Il ignorait que le sentier que suivait son groupe faisait un détour. Il avait reçu pour consigne : « On ne fait aucune sommation, au moindre bruit, tu tires ». C’est ce qu’il avait fait, malheureusement. L’homme mourut, malgré l’évacuation en hélicoptère. Je ne me sentais pas capable de raconter cet épisode à mes parents. J’avais pourtant besoin de me confier. Je pensais tout naturellement à une jeune fille du bureau avec laquelle j’avais sympathisé. De confidence en confidence, nous sommes devenus mari et femme lors de mon retour à la vie civile ». Fin de citation.

          Ce témoignage accablant démontre comment l’armée Française menait sa guerre contre un peuple désarmé, en donnant des ordres à ses soldats de tirer sur tout ce qui bougeaient, sans faire de sommation, ni distinguer entre des hommes armés et les civils. Cette façon de faire la guerre, à d’ailleurs, provoqué parfois des accrochages entres soldats ennemis, au cours de certaines opérations, dont certains moudjahidin étaient des témoins oculaires. Aussi, il affirme avoir été chargé par la SAS, de soigner sa compagnie et la population, sans recevoir de formation requise. Tout comme la SAS désigne des soldats du contingent pour enseigner les enfants,  sans qu’ils ne soient préparés à cette mission.

            Le champ de bataille figurant sur ces photos, (la foret de Boumehni et ses environs immédiats), ont été prises en 1959, soit à quelques mois seulement avant le déclanchement de l’opération décrite dans les paragraphes précédents.

             (Cette photo à été prise quelques jours seulement après nos brûlures au napalm)

          Un liquide visqueux, à l’odeur nauséabonde, s’était répandu sur nos têtes, cous, visages et les mains. Enflammés, nous nous précipitions vers un ruisseau où coulait de l’eau potable pour mouiller le reste de nos habilles que nous posâmes en suite sur les parties brûlées de nos corps, à l’effet d’éteindre le feu. Les douleurs étaient atroces, nous dégagions des odeurs nauséabondes, une puanteur. Nos bras étaient devenus immobiles à tel point que nous étions incapables de tenir quoi que ce soit, y  compris nos pistolets automatiques (PA). En raison de ces douleurs auxquelles s’ajoutait la crainte d’être capturé vivant, je ne pouvais pas m’empêcher de pleurer. Pourtant, le courage ne me manquait pas, pour avoir connu des blessures par bales et par éclats d’obus à deux reprises, avant ce jour.

        Le napalm répandu sur le sol brûlait jusqu'à la dernière goûte; n’épargnant ni la roche, ni le bois, ni l’eau ni la terre. Le seul moyen de l’éteindre était de l’étouffer à l’aide d’un linge mouillé, de la terre ou du sable posé sur l’endroit touché.

         Ce jour là était une apocalypse ; nous avions perdus la notion du temps. Même si les bombardements avaient durés deux heures au plus, pour nous, ils avaient continué toute la journée. Tout conscient que j’étais, je ne savais pas comment je me suis retiré de cet enfer pour me retrouver avec mes camarades, ailleurs, dans la même foret de Boumahni.  Des odeurs nauséabondes nous poursuivaient puisque s’était notre chaire qui puait. Nous étions en fin de soirée. On n’entendait plus, ni vrombissements des avions, ni crépitement des armes. Si m’hidin et un autre djoundi, étaient sortis indemnes.

           Le lendemain, yama fathma, l’une des vieilles moudjahidate recherchée par les harkis d’Ath vouadou, nous à procurée de chez la pharmacie de boughni, dont le vendeur n’était autre que mitiche arav, le frère de si moh djerdjer, des médicaments  nécessaires pour panser nos blessures. Cette moudjahida originaire d’Ath vouadou, était mère  du djoundi surnommé Rabah temgharth, affecté au groupe commandos. Etant recherchée par les harkis de cette localité, elle vivait discrètement dans différents refuges. Une partie de nos contactes au sein du secteur et autres achats étaient réalisés par elle. Elle était aussi  la confidente de si moh Saïd ouchivan, commissaire politique du secteur.  

            Notre infirmier était, si Belkacem haddid. Au bout de quelques jours, si m’hidin avait pris le soin de nous prendre en photos (voir ci-dessus) qui ont été développées chez un photographe de la ville de Boghni. Les douleurs persistaient ; elles étaient si présentes qu’on ne pouvait pas baisser les bras, comme le montre la photo ci-dessus. Aussi, ne pouvant pas mettre la main à la bouche, nous mangions des mains de nos frères de combat.

           Quelques jours après, je revenais sur les lieus, en compagnie d’autres djounoud, à la recherche de ma sacoche que j’avais enfouie sous une grosse pierre au moment du bombardement. Elle contenait 2 millions de francs anciens, des rapports mensuels d’activités ainsi que d’autres documents. Nous marchions prudemment sur un sol calciné ou l’on voyait du napalm qui ne finissait pas de brûler, çà et là. Après une fouille minutieuse, nous  étions parvenus à trouver la sacoche à moitié brûlée. Les paquets d’argent ficelés  en billets de 10.000 francs anciens  ainsi que les documents étaient à moitié brûlés. L’argent avait été distribué à des personnes de confiance dans l’espoir d’échanger quelques billets non endommagés gravement. Quelques billets furent quand même échangés à la banque.

            Notre séjour dans l’infirmerie était assez long ; la nourriture ne manquait pas, les soins aussi ; c’était un moment de récupération pour nous. Cependant, les douleurs étaient toujours présentes. Notre infirmier Si Belkacem haddid  était constamment présent pour nous changer les pansements. Oh combien c’était douloureux  lorsqu’il enlevait les anciennes plaques de tulle gras lumière qui collaient sur note chaire. Pendant plusieurs jours, nous ne pouvions pas   manger avec nos propres mains ; c’était nos compagnons d’armes qui nous faisaient manger, comme le montre la photo ci-dessous.

 (G. à D. : Chibane Hocine - X - X - Haddid Belkacem, notre infirmier, avec sa carabine US, Ahcéne Iverkouken - Ouzrourou Salah, accroupi, mangeant du raisin).

       

         Cette photo a été prise après notre guérison, histoire de me faire rappeler mon séjour à l’infirmerie où je ne mangeais que des mains de mes frères de combat. Manière également de se faire des adieux, avant de rejoindre, chacun de nous, sa nouvelle affectation. Je tiens à souligner à cet effet, que malgré la situation difficile vécue dans les maquis face à l’ennemi, l’humour était toujours présent.

        Nous venions de recevoir à l’infirmerie, la visite du commandant de la wilaya III, si Ahcen Mahyouz « dit batih », également brûlé au napalm, au niveau des mains depuis déjà quelques jours dans la foret d’Amejout, du coté de Maatkas, en zone III. Il avait les doigts des deux mains  courbés et collés aux paumes. Il avait entendu parler de nous, au sujet de nos brulures et que nous nous étions sortis sans trop de dégâts, avant de nous rendre visite, dans l’espoir de trouver de meilleurs soins possibles. Hélas, Si Belkacem ne pouvait rien faire pour lui, étant donné que ses brûlures avaient atteint un stade de guérison assez avancé, (voir photo ci-dessous).

(De G.à D. : Haddid Belkacem, responsable sanitaire région II zone IV - Mahyouz Ahcen, dit Batih, Cdt. Wilaya III - Ouzrourou Salah, intendant région II zone IV)

       

         Il y à lieu de signaler, qu’en plus des traces de brulures au Napalm, visibles sur le visage, les mains et les oreilles, je porte jusqu’à ce jour, une balle et des éclats d’obus et/ou de grenades dans mon corps, ainsi que la fracture au coude du bras gauche. La fiche d’expertise médicale du 19-04-1984 ci-après, émanant de l’hôpital militaire d’Ain Naajda, précise si bien la nature de ses blessures.

   III-V)   LES SECTIONS ADMINISTRATIVES SPECIALISEES (SAS) :

      

          Durant toute l’année 1961, la pression n’a pas baissée d’un cran. Toutes les prémices de la continuité de la guerre étaient présentes ; l’opération jumelle avec ses effets dévastateurs était toujours en cours ; la torture des citoyens dans les DOP redoublait de férocité ; la propagande des SAS et au  tres moyens médiatiques propageaient leurs mensonges au sein des centres de regroupement. En effet, la radio d’Alger donnait de fausses informations sur nos pertes en hommes et consacrait beaucoup de temps pour la propagande dans son émission « Saout el Bilad », sans compter la presse écrite. Si l’on additionnait le nombre de moudjahidin et les victimes civiles déclarés morts par ses médias, le chiffre dépasserait le tiers de la population Algérienne de l’époque.

          Il va de soit, que tous ses moyens de propagande et d’intox avaient pour but de démoraliser les populations et de l’isoler des  moudjahidin. Plus que cela, les SAS innovaient dans la manière de propager d’autres compagnes d’intox. En effet,  une rumeur selon laquelle des égorgeurs étaient répandus dans tous les bourgs et villages. Sans pointer du doit l’ALN/FLN et pour faire croire à une troisième force, ces SAS faisaient allusion à des groupes imaginaires qui  égorgeraient toute famille venant leur ouvrir,  lorsqu’ils frappent à la porte pendant la nuit. Tout comme elles promettaient de l’aide aux populations, à chaque fois que celles-ci en exprime la demande, à la seule condition que tous les membres de la famille crient au secours et à voies élevées, dés que l’on frappait à leur porte.

          En effet, il nous est arrivé d’être surpris par des cris poussés par l’ensemble d’une famille lorsque nous frappions à sa porte. Il faut rappeler cependant, que cette intox n’a pas touché l’ensemble du secteur. Ce complot partiellement réussi, n’avait duré que quelques mois avant d’être déjoué par les moudjahidin.

          Possédant tous les moyens pour gagner cette guerre, l’ennemi ignorait peut-être que nous n’avions rien à perdre, si non nos vies que nous avions sacrifiées le jour où nous primes les armes contre le colonialisme.

          En résumé, il faut dire que les SAS menaient la politique de la carotte et du bâton, ce que confirment les actions illustrées par les photos suivantes, prises en 1959 par un soldat Français du contingent, Gérard Van Der Linden, affecté à la SAS de Boumahni.

 Un soldat Français du contingent sans expérience improvisé en infirmier, est en train de vacciner un bébé, (la carotte).

Une autre compagne de vaccination d’enfants réalisée par des infirmières. L’ennemi faisait soigner les enfants tout en bombardant leurs pères, au NAPALM (la carotte).

        Un  semblant d’école dont les cours étaient dispensés par des soldats du contingent non qualifiés, (la carotte).

        Les trois photos ci-dessus illustrent parfaitement le coté carotte servi par les SAS et montrent la manière de manipuler les populations à l’effet de les gagner à la cause ennemie.

(Les deux photos ci-dessus montrent la façon de terroriser les femmes dans leurs villages, en utilisant la manière musclée, avant de franchir le pas vers la torture et le viol, à l’occasion des opérations de ratissage).

      

            Il y à lieu de préciser que les photos ci-dessus, ainsi que les précédentes insérées dans la bataille de Boumahni, reflètent le coté bâton.

 

            Par ailleurs, les négociations entre le GPRA et le gouvernement français,  auxquelles d’ailleurs  nous n’accordions aucun crédit, avait été rendues publiques. Au plan politique, cette nouvelle donne à été un autre facteur qui a favorisé le rapprochement vers nous, de certains citoyens jusqu’ici égarés, hésitants ou peureux. Plus que cela; certains harkis désertaient leurs camps pour rejoindre les rangs de l’ALN ; d’autres nous ont ouverts leurs portes, assuraient la garde pendant que nous dormions chez eux et nous fournissaient des renseignements, des munitions et des tenues militaires. A cette époque précisément, tous les responsables de l’ALN avaient droit à un poste radio pour écouter les informations, notamment la voie de l’Algérie libre émettant à partir de la radio du Caire ainsi que toutes les radios du monde.

            Nous étions donc informés tant des actions entreprises à l’intérieur par les unités de l’ALN, que par le GPRA et le FLN à l’étranger. Il y avait tout de même une lueur d’espoir de voir enfin, la guerre terminée. Les citadins étaient eux aussi, sensibles à ce qui se passait autour d’eux. Nous avions remarqués chez eux  une prise de conscience en ce sens qu’ils avaient moins peur que par le passé. Cette victoire sur la peur affichée par les habitants des villes, nous a aidées à réaliser une action de salut public à l’intérieur de la ville de Draa el Mizan. Cette action consistait  à éliminer le traitre Moh n’Essaid, un ex-commissaire politique de l’ALN rallié à l’ennemi. Les agissements néfastes de ce rendu, s’étaient abattus sur la population civile avec le concours des services de la SAS et de la DOP, en employant avec beaucoup de psychologie, la politique de la carotte, pour le premier et du bâton, pour le second, comme signalé au chapitre III-V ci-dessus.

 

III-VI)   MISSION PERILLEUSE DE DRAA EL-MIZAN :

         

           C’était en 1961. Afin de contrecarrer l’intox de la SAS et celle de ses supports, dont le traitre Moh N’essaid ainsi que des services de renseignement de l’ennemi, il fallait mener une action périlleuse à l’intérieur même de la ville de Draa el Mizan. La cible choisie à cet effet, était Moh N’Essaid, un ancien commissaire politique de l’ALN, rallié  à l’ennemi. Il connaissait toute la région de Draa el Mizan. Tout comme il connaissait les familles de moudjahidine et des chouhada. Il se comportait avec elles d’une manière psychologique. Il allait même jusqu’à  leurs faire accepter certaines offrandes proposées par la SAS, en particulier des vivres dont elles avaient fortement besoin. Aussi, en collaboration avec la SAS, ce traitre envoyait des infirmières chez ces familles pour soigner leurs enfants et faisait semblant de s’inquiéter sur leurs scolarisation, comme en témoignent les propos rappelés ci-dessus. Cette attitude était de nature à se rapprocher d’elles dans le seul but d’avoir des renseignements sur les maquis, les déplacements des moudjahidines et leurs soutiens pour les intercepter et anéantir ce qui restait de nos organisations.

            Nous nous sentions tellement enclavés dans un cercle ne dépassant pas la circonférence d’un « béret » (Tibirits, célèbre formule usitée dans les maquis), il fut décidé de mettre fin aux agissements néfastes de ce dangereux traître. Pour ce faire, un groupe de moudjahidin, dont les photos ci après ont été prises durant notre séjour dans la ville de Draa el Mizan.

            Cette action à été organisée par Hachour Mouhand Ouramdan, Lieutenant, membre zonal (zone VI), et exécutée en compagnie d’un groupe composé de :   

       Si Ahmed Chihaoui, responsable de la ville de Draa el Mizan

       Si Salah Ouzrourou, intendant régional (région II, zone IV)

       Si Belkacem Haddid, infirmier régional (région II, zone IV)

       Si Ahcen Iverkouken et Si Mouh Ouamer, détachés d’un groupe commando de la même région

         Tous les membres de ce groupe, figurent sur les photos insérées ci-dessous. Ils ont tous survécus aux horreurs de la guerre et participés à l’édification de l’Algérie indépendante. A l’exception des frères Hadid Belkacem et d’Ahmed Chihaoui, qui viennent de disparaitre, les autres étaient vivants en 2014, à ma connaissance.

1) Photo de gauche-(de G. à D.: Hachour Mohand-Ouramdane, membre zonal, Ouzrourou Salah, intendant régional, Chihaoui Ahmed, responsable de la Ville de Draa-el Mizan)

2) Photo de droite-(de G. a D.: Si Ahcen Iverkouken, djoundi, Si Moh Oumar, djoundi, Chihaoui Ahmed, responsable de la  Ville de Draa El-Mizan, Hadid Belkacem, infirmier

régional)   

 

         Les deux photos ci-dessus ont été prises en 1961, à l’intérieur de la maison de Monsieur Ahmed Kahlouche, laquelle reste inchangée jusqu’à ce jour (voir photo ci-dessous)

     (Draa el Mizan 8 mars 2015 - Salah Ouzrourou devant la maison de Mer. Ahmed Kehlouche)  

 

         En voila ci-après, l’essentiel du déroulement de cette opération : 

          Le jour J et grâce à notre brave guide le nommé kemoun Abderrahmane, commerçant à Draa el Mizan, nous rentrâmes à l’intérieur de cette ville pour abattre ce traître. Pour l’embusqué, il fallait le surprendre après sa sortie du bar qu’il fréquentait  presque tous les soirs avant de rentrer chez lui. A ce moment là, il était absent, et comme ses déplacements sur la ville d’Alger étaient fréquents, nous ignorions le jour de son retour.

         Nous nous refugions chez la famille Kemoun, dans l’attente du retour de ce traître. Son absence s’était hélas prolongée et avait durée trois jours. La date  exacte de son retour n’étant pas connue, il apparaissait plus judicieux de l’attendre en ville, étant donné que plusieurs entrées et sorties étaient plus dangereuses pour nous que d’y séjourne. Pendant ce temps là, et pour que notre présence ne constitue pas un fardeau lourd à supporter par la famille ôte, nous étions contrains de changer de refuge tous les jours. C’était ainsi que nous nous réfugiâmes chez d’autres familles à savoir, les Kara et Kahlouche, commerçants de leur état. Pour nous déplacer d’une maison à l’autre, nous prenions la camionnette bâchée appartenant à Mer. Kemoun, dont le chauffeur était son fils, le jeune et courageux Abderrahmane. Ce n’était qu’à quelques minutes seulement du couvre-feu, que nous montions sur ce véhicule stationné à l’intérieur du garage.

          Nous avions passés des journées à la fois de bonheur et d’angoisse que je peu résumer ainsi :

          Du bonheur :

                         - pour toute cette disponibilité et la sincérité dont nos ôtes ont fait preuve à notre égare (hébergés, nourris, blanchis et bien gardés).

         De l’angoisse :

                     a)- pour l’incertitude de la réussite de notre périlleuse mission.

                     b)- pour notre séjour assez prolongé dans une ville aussi quadrillée que celle de Draa el Mizan, nos ôtes étant exposés eux aussi, aux dangers réels qui découleraient de cette action.

          Au terme du troisième jour, notre guide et chauffeur Abderrahmane Kemoun, nous informât de la présence de Mouh N’Essaid. C’était pour nous la délivrance. En ce moment précis, nous étions chez monsieur Ahmed Kahlouche. Ne connaissant pas personnellement Mouh N’Essaid, notre guide Abderrahmane, nous a donné son signalement à même de le reconnaître. Les habitants ne pouvant pas circuler dans la ville, couvre-feux oblige, il n’y avait pas risque de nous tremper de cible. Après avoir pris le dîner à l’avance chez la famille Kahlouche, et au coucher du soleil, soit tout à fait au début du couvre-feu, nous sortions dans la rue pour embusquer Mouh N’Essaid. Les rues étaient désertes, nous étions répartis tout au long de la rue que devait emprunter Mouh N’Essaid qui tardait à se montrer. Les consignes données  par si Mouhand Ouramdan à notre groupe, étaient de ne pas tirer avant lui.

          L’endroit où il à été abattu, est indiqué sur la photo ci après (voir la flèche) au centre de la ville de Draa el Mizan, en allant vers Tizi-Ghenif. Cette photo à été prise en 1959 par un soldat Français du contingent du nom de Gérard Van Der Linden, affecté à la SAS de Boumahni. En confondant les deux photos ci-dessous, l’une prise en 1959, l’autre en 2015, on remarquera que la rue où avait lieu l’attentat, n’à pas changée depuis 41 ans.

               (1- Centre-ville de Draa el Mizan en 1959)) 

               (2- Le même centre-ville de Draa el Mizan  en 2015)                                    

 

         Le lieu de l’attentat est indiqué par la flèche rouge en allant droit sur la chaussée, juste au virage à droite. Ce n’était que vers 22 heures, qu’apparaissait ce traitre, en état d’ébriété et en face duquel se dressait si Mouhand Ouramdan, armé d’un fusil garant. Mouh N’Essaid l’ayant aperçu, dégainait son PA, mais son vis-à-vis était plus rapide que lui et l’a abattu en lui tirant dessus trois ou quatre coups pour l’abattre à jamais. Il était allongé sur la chaussée, notre chef le fouilla et lui enleva son PA. Quant à nous qui assurions la surveillance des environs immédiats, nous n’avons tirés aucun coup de feu, ce n’était pas nécessaire du moins, les munitions étant pour nous, une matière précieuse.

         Notre mission étant réussie 5/5, nous avions décrochés aussi tôt. Un silence profond  régnait sur la ville, puisque le temps s’écoulant entre le moment de l’embuscade et la riposte de l’ennemi, dépassait une demi-heure. Nous nous retirâmes à la vitesse du vent, et ce n’était qu’après avoir traversés la moitié de la vaste plaine située entre la ville de Draa el Mizan et la foret de Boumahni, que nous entendions un déluge de feu tiré par les soldats ennemis.

                    (Plaine séparant la ville de Draa el Mizan de la foret de Boumahni)

       

          La photo ci-dessus prise en 1959, par un soldat français du nom de Gérard Van Der Linden, montre la plaine située entre la Ville de Draa el Mizan, à gauche et la foret de Boumahni, à droite, qui était notre point de repli. Pour y accéder, il fallait traverser cette vaste plaine située au nord de Draa el Mizan.

           Depuis ce jour, l’exécution de ce traitre redouté, avait ramené un certain apaisement au sein des habitants de la ville de Draa el Mizan et ses environs.

           A cette occasion, je me dois de rappeler ici, un autre fait de bravoure, parmi tant d’autres, accompli par le Lieutenant Hachour Mohand Ouramdan, membre de la zone IV Wilaya III.  Ce valeureux moudjahid faisant parti de la compagnie qui accompagnait Si Amirouche, lors de sa mission dans les Aurès, en 1959. Au retour, il était l'un des rescapés de la section qu'il commandait, sa compagnie étant presque décimée, suite aux nombreux accrochages avec les troupes ennemies, qu’il ne pouvait pas éviter du fait de sa méconnaissance du terrain. Ils rentraient sur le territoire de la Wilaya III, avec le début de l'opération jumelle. Arrivés à la zone II, ils accrochèrent l'ennemi à Iouaqouren (Imchedallen). Ils ont subis d'autres pertes. Tout au long de se parcours, ils n'ont pas réussi à rentrer en contacte avec les moudjahidin. Ce n'est qu'en arrivant à Ait Ouabane, (Ain el Hammam), secteur I Région I Zone IV, qu'ils ont vu la fumée se dégageant d'une grotte. Ayant regardé à l’intérieur, Si mohand Ouramdan avait vu Da Elvachuir Yahi, moudjahid et père de Si El Hafidh, qu'il connaissait déjà, en train de se réchauffer.

         Malgré tout, le destin à voulu que lui et moi, faisions partis des moudjahidin qui ont survécus à cette horrible guerre sans que nous ne soyons faits prisonniers par l’ennemi. Nous avions également faits un long chemin ensemble après l’indépendance, puis séparés par les exigences de la vie professionnelle, sans perdre de contactes. Notre dernière rencontre, remonte au 26-10-13 à Draa el Mizan, (voir photo ci-dessous, prise ce jour même) à l’occasion du recueillement organisé par l’APC de cette localité, à la mémoire du Chahid Belaouche Mohamed, dit Si Mohamed Oulhadj S/Lieutenant, affecté à la Wilaya IV en 1959 et tombé au champs d’honneur en 1960 prés de Draa el Mizan.

                          (De gauche à droite : Hachour Mohand Ouramdan – Ouzrourou Salah)

         

         Aussi, en cette année 1961, je venais d’avoir mes 20 ans fermes. Tout comme le chef de région, Si Mohand Ouramdane, venais de me notifier ma nomination au grade d’Aspirant pour assurer les missions de Liaison et Renseignements et muté à la région I – zone IV (Ain el Hammam), signée par le colonel Si Mohand Oulhdj, chef de la Wilaya III, (voir document ci-après).

            Ce jour là, j’avais réalisé l’ampleur de nos pertes en hommes. En effet, durant l’opération jumelle, le bilan de nos pertes était lourd. La liste des martyres ne cessait pas de s’allonger au fil du temps. C’était la raison qui a du motivée le commandement de la wilaya III à me désigner en qualité d’aspirant des  liaisons et renseignements, alors que je venais de fermer mes 20 ans. C’était une lourde responsabilité pour moi.

(1ére photo, à Ait Mislaine (Ain el Hemmam) 1960, je me souviens de : de G. à D. - Antiténe Youcef, dit Si Youcef Arvah - Tighilt Mouloud - Ouzrourou Salah - Si Idir Argane.

2éme Photo, à Frikat (Draa el Mizan) 1961 : Ouzrourou Salah et Ben-Said Abdellah)

 

          Il est vrai que notre Wilaya avait subis des pertes considérables en moyens humains et matériels. Des milliers de martyres et des centaines de villages complètement rasés par les bombardements, ce qui à renforcé la volonté des femmes à prendre la relève des hommes.

 

 Gloire aux femmes Algériennes combattantes

        

         Malgré tous les sévices de la soldatesque Française, les femmes étaient constamment présentes dans le combat libérateur, du début jusqu’à la fin de la révolution. Elles s’étaient distinguées beaucoup plus pendant la dure opération jumelle, c’était le cas de Yemma Fadhma, par exemple. Originaire d’Ath Vouadou, (village d’Ath El Kaïd, si mes souvenirs sont exacts), Commune d’Agouni Gueghrane. Elle était la mère d’un frère d’armes qu’on appelait Rabah Temgharth. Recherchée par l’armée Française, elle se faufilait entre les mailles de cette dernière, grâce à sa fausse carte d’identité. Elle était le chef de Front, l’agent de renseignements et de liaison, la démarcheuse en matière de vivres et autres besoins des moudjahidin. Elle était secondée par d’autres femmes dignes de confiance. Parmi d’autres femmes moudjahidate, je me souviens de Na Keltsouma Harouni d’Ait Hamsi, mon village natal, épouse de Mesbahi Amar, lui même moudjahid. Elle à servie courageusement la révolution en participant aux différentes missions que requéraient les besoins du moment, pendant que toute la Kabylie était zone interdite et que les hommes valides étaient aux maquis ou emprisonnés dans les camps militaires ennemis.        

             (Femmes courage du village de Tavouhcent - Ath Vouyoucef - Ain el Hammam - 1958)

 

        La fameuse opération jumelle sur laquelle se fondait l’espoir des pieds noirs et autres partisans de l’Algérie française, même si elle nous à affecté profondément, s’était soldée par un échec. Le gouvernement français venait de reconnaître enfin le FLN, autrefois traité d’hors la loi, voir d’organisation terroriste, pour s’asseoir avec lui d’égal à égal, au tour de la table de négociations. Cette nouvelle donne avait suscité un mécontentement général au sein des pieds noirs et autres minorités algériennes, partisans de « l’Algérie française » ainsi qu’une partie de l’armée française, proche des milieux colonialistes. Furieuses, ces trois tendances avaient mis sur pied une organisation appelée l’Organisation Armée Secrète « OAS ». Encadrée par des officiers de l’armée française et dotée d’armes et d’explosifs de toutes sortes, cette organisation tirait sur tous ce qui bougeait dans les villes.

         Comme le montre les photos ci-dessous, l’OAS posait des bombes au plastic  partout dans des endroits fréquentés par des civiles, qu’ils soient Algériens ou Européens qui n’étaient pas de leur coté, dans des magasins, des bus, des cafés et autres lieux publics, dont la Bibliothèque Nationale. Des entités économiques, dont les ports, n’étaient pas épargnées. Les grandes villes étaient les plus touchées, Alger et Oran, en particulier. Ils procédaient également à l’élimination physique de l’élite algérienne, hostile à leur projet, notamment l’écrivain mouloud Feraoun et ses compagnons, déchiquetés par une bombe au plastique.

                                      (Photos prises en 1962, montrant les atrocités de l’OAS)

 

           Quand à nous, nos efforts étaient enfin couronnés de succès, par la reconnaissance à l’autodétermination et à l’indépendance de notre pays. Après plusieurs mois de négociations à Évian, les deux parties étaient parvenus à un accord de cessez le feu qu’ils avaient signés, en date du 18 mars 1962, dont la date de mise en vigueur était prévue pour le lendemain 19 mars à 00 heure. Par cet accord, la France avait reconnue officiellement au peuple Algérien, l’autodétermination et son indépendance.

Nous avions entendus la nouvelle par le biais des radios de l’ennemi. Elle fut confirmée plus tard  par notre hiérarchie.

 

                                                                           CONCLUSION

 

           Simple autodidacte, j’ai pioché dans sa mémoire avec passion pour apporter mon humble témoignage sur la guerre de libération nationale. Je me suis exprimé du mieux que j’ai pu dans la langue Française, même si je ne la métrise pas. A cet effet, je dois bien m’excuser auprès de mes lecteurs tout en gardant l’espoir que le contenu soit bien compris et c’est l’essentiel pour moi. L’objectif principal visé par ce récit est d’apporter ma modeste contribution à l’écriture de notre histoire, en témoignant sur mon vécu durant la guerre de libération nationale.

            Tout comme je tiens à témoigner à cette occasion, que les habitants des régions de Kabylie, notamment la zone IV dans lesquelles j’ai passé une partie de ma vie au combat, avec quelques exceptions prés, avaient participés de prés ou de loin, à l’effort de la révolution. Même certains villageois qui ont fui les atrocités de l’armée Française pour se réfugier dans des villes, n’ont pas cessé d’y participer, chacun selon ses moyens.

            Je me dois d'adresser un hommage particulier aux femmes courages qui ont bravée la peur, particulièrement devant la cruauté des harkis et autres  soldats Français, notamment durant l’opération jumelle (1959/62). Je cite en exemple, les   femmes de chouhada et de moudjahidin, circulant avec de faux papiers d’identité. Sans ces femmes, aucun lien, combien indispensable entre les populations regroupées dans des camps de concentration et les moudjahidin, ne pouvait se concrétiser. Bravant les dangers des zones interdites, elles ont accomplis des missions que les hommes étaient incapables d’exécuter, non pas par lâcheté, mais par les circonstances du moment.

            J’ai appuyé ces témoignages, autant que possible, par des documents authentiques et des photos  que je détiens sur moi, ou celles tirées des archives (INA), à partir de l’Internet, après de nombreuses recherches. Certains compagnons d’armes figurant avec moi sur certaines photos, ne sont pas identifiés, faute de mémoire. Je dois rappeler que d’autres documents et photos ont été remis en 1975 par mes soins, au musée national du Moudjahid, (voir reçu ci dessous). Je dois souligner par ailleurs, que ces documents comprennent des agendas concernant les années 1960/61/62, sur lesquelles étaient inscrites au jour le jour, toutes les activités exercées par moi et mes compagnons d’armes.  Si je pouvais les récupérer, il y à matière à écrire trois livres.

             Il faut rappeler qu’à cette époque précisément, tous les responsables à quelques niveaux qu’ils soient, étaient tenus de porter sur eux un agenda dans lequel ils devaient noter toutes leurs activités,  du moindre détail jusqu’aux grandes actions entreprises.

             Aussi, les derniers objets précieux que j’ai gardés sur moi, en souvenirs de la guerre de libération nationale, dont un PA, ont été remis au musée du moudjahid de Bouira, en date du 05 décembre 2012 (voir reçu ci-dessous). Cette même arme ou une autre, c’est  selon la conjoncture du moment, était pour moi un compagnon sûr aux cotés de mes frères de combats. Pour avoir servis à me défendre contre l’ennemi à plusieurs reprises, notamment durant la fameuse opération jumelle, cette arme représente pour moi aujourd’hui, un objet précieux. Mais, selon ma propre conviction, cet objet aussi précieux soit-il, appartient au peuple Algérien et sa place est au Musée et doit être exposé au public. Ayant le pressentiment du devoir accomplie, ma satisfaction morale serait que  les générations futures puissent y avoir axés, pour connaitre une page de leur histoire.      

             A toutes et tous ces combattants connus ou anonymes qui ont veillé sur nous, qui nous ont protégés, hébergés, nourris et blanchis, je leur demande pardon.

  Enfin, je dédis cet humble témoignage à mes enfants, petits enfants, à tous les membres de ma famille proches ou lointains, à mes compagnons d’armes et à tous les Algériens, femmes et hommes qui ont participés à libérer notre pays du joug colonial, sans oublier ceux auxquels on n’a pas reconnu la qualité de moudjahid.

             Pour terminer, ma pensée va vers nos glorieux chouhada et je souhaite longue vie aux moudjahidin encore vivant.                                                      

 

 

                                                                                                                   Fin de ce récit à Bouira le19 mars 2015.

                                                                                                                  

                                                                                                                   Salah Ouzrourou, Moudjahid.

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